Géronimots XXI

dimanche 1 février 2015

HISTOIRE D'O

                                                        

"Cher Nicolas, très brièvement et respectueusement"
1) Je suis à tes côtés pour te servir et servir tes projets pour la France.
2) J'ai fait de mon mieux et j'ai pu échouer périodiquement. Je t'en demande pardon.
3) Je n'ai pas d'ambitions politiques personnelles et je n'ai pas le désir de devenir une ambitieuse servile comme nombre de ceux qui t'entourent dont la loyauté est parfois récente et parfois peu durable.
4) Utilise-moi pendant le temps qui te convient et convient à ton action et à ton casting.
5) Si tu m'utilises, j'ai besoin de toi comme guide et comme soutien : sans guide, je risque d'être inefficace, sans soutien je risque d'être peu crédible. Avec mon immense admiration.  Christine L." 
            
(Lettre manuscrite trouvée par les enquêteurs lors d'une perquisition le 20 mars 2013 au domicile parisien de "Christine L.") 


Cette senior aux cheveux blancs, le cou orné d'un collier de perles vraies ou fausses, acheté dans quelque manège aux bijoux implanté dans le hall d'un hypermarché, s'étant mise sur son trente-et-un aura voulu - geste émouvant - murmurer à l'oreille d'un certain "Nicolas" le texte, écrit de sa main, que nous avons pu reproduire ci-dessus. Malheureusement, plus grande que "Nicolas" d'une bonne dizaine de centimètres, "Christine L." a dû se pencher pour être à bonne hauteur, sauf qu'ayant mal calculé son coup ses murmurantes lèvres se sont retrouvées beaucoup trop bas, littéralement collées à la joue de "Nicolas", et nous voyons l'oeil de cette dame énamourée guigner désespérément l'oreille dans l'entonnoir de laquelle le message  devait  s'épancher ... Il faut espérer que le défaut de ce dispositif n'aura pas empêché le destinataire d'une si touchante déclaration de percevoir, issus des lèvres confuses, car mal ajustées, quelques uns des signifiants majeurs de son dire : "respectueusement", "te servir", "servir", "pardon", "utilise-moi", "soutien", "guide", "admiration", pour que tel Sir Stephen à sa soumise "O", dans le laborieux roman écrit sous le pseudo de Pauline Réage, et la férule de Jean Paulhan, par sa compagne  Dominique Aury (du latin auris, "oreille"), il daigne au moins infliger à "L." un petit début de sévices, tels que gifles, pinçons, suçons, cheveux méchamment tirés ... Et la la pauvrette, alors, ne repartira pas bredouille, mais radieuse d'avoir reçu les premiers stigmates de sa domestication.