Géronimots XXI

mercredi 25 février 2015

EN RÉSIDENCE

Ils font des envieux, bien sûr, ces écrivains bénéficiaires d’une bourse couplée à la jouissance d’un logis dévolu à la gestation de leur grand œuvre. La réalité est parfois plus âpre, au vu de ce document à nous adressé par  Godefroy Fripou, qui fut en  résidence  à Laclap, dans le Var, tous frais payés pour neuf mois par la région PACA. Si le jeune auteur de Viens en moi pour m’aimer (2011) et de La Tarte Constantin (2013), aux Éditions Lagnelet, s’attendait à un cadre sobre, sans doute, mais chaleureux, fonctionnel, quelle ne fut pas sa déconvenue à son entrée dans ce studio qui lui fut d’abord "l’emblème du délabrement », nous écrivait-il, avant que le médiateur culturel ne lui expliquât que la Région avait fait appel à l’un des plus brillants designers de PACA, lui donnant mission de concevoir un "espace de singularité", résolument "antagonique à l’imago du chez-soi petit-bourgeois". Aux fins de "déstabiliser" et "déréguler" le jeune auteur et, partant, de le rendre plus fécond, le site fut donc vidé du plus gros de son ameublement, de la bibliothèque au bureau, puis délibérément "dénudé" et "brutalisé", par arrachage, martèlement et fracas. La cheminée, promesses de veillées émollientes, se changea en un trou noir, on attaqua le lit pour en simplifier et dégrader l’apparat, on eut soin de répandre avec art les gravats, et voici que put  régner ou trôner, au sein d’une subtile grisaille dont il semble offrir la quintessence, ce fauteuil d’écrivain sur l’assise endolorie duquel, négligemment jetée, repose une revue dont Godefroy a omis de nous préciser le caractère : tourisme ? porno ? actus ? Ou bien serait-ce le Texte, fruit de ces neuf mois résidentiels, secrété par l’espace de singularité, et narrant peut-être des amours décrépites à même le sommier sordide, ou étayées par le fauteuil défoncé ? Si même, plus radicalement, en cette mince plaquette à la bleuâtre couverture ce n’est pas l’être de Godefroy qui – saurons-nous jamais comment ? – s’y serait non seulement projeté, mais résorbé, ne laissant de lui nulle autre trace.