Géronimots XXI

vendredi 31 juillet 2015

RIFIFILLES - addenda aux 69 additifs de Proustissimots




RIFIFILLES  Altercation mettant aux prises deux ou plusieurs meufs.
L’apparente harmonie régnant au sein de la petite bande ne suffisait pas à me donner le change, et toujours je voyais le moment où l’une de mes quatre jeunes filles, invoquant quelque grief oublié, ou ne se donnant même pas cette peine, tomberait à bras raccourcis sur sa voisine, assise elle aussi sur leur banc attitré sur la digue, et une fois de plus, comme tous les jours, ou peu s’en faut, ce serait le rififilles ! Elles seraient bientôt toutes les quatre, Albertine, Andrée, Rosemonde, Gisèle, à se culbuter et à rouler à même le sol, se distribuant toute une gamme de horions, gifles, coups de pied, coups de griffes, cheveux tirés, morsures, n’hésitant pas à s’arracher leurs polos et leurs shorts, jusqu’à se retrouver non seulement englantées mais plus qu’à moitié à poil dans la poussière, insoucieuses d’exhiber une fesse ou un sein, configurant à toutes les quatre, bras et jambes emmêlés, une sorte de nœud agité de spasmes, tandis qu’au-dessus de cette hydre j’étais tel un arbitre mais entièrement ignorant des règles de leurs jeux enragés, incapable d’intervenir, tout à la fois épouvanté et fasciné, et m’attendant que sans rien perdre de sa violence l’hubris de leur lutte en vînt à dégénérer en une joute érotique où les cris de rage se changeraient en autant de gémissements et autres feulements, cherchant à déceler dans leur amas les gestes les plus obscènes, et ne sachant si j’espérais ou redoutais que ma grand-mère, dont les noirs jupons ne traînaient jamais bien loin, ne surgît soudain, clopinant de toute la force de ses antiques guibolles, et brandissant son ombrelle pour frapper à coups redoublés, comme un chasseur un nœud de vipères, le groupe convulsif de mes quatre ménades en proie, maintenant, à la vertueuse fureur  de cette mémé.

                    (30 juillet 2015 Addenda aux 69 additifs de Proustissimots  Éditions Champ Vallon 2013)

dimanche 26 juillet 2015

LA CAGE

Ce gros bambin joufflu vient d'obtenir la jouissance exclusive et privative de ce surplombant balcon où le voici présentement encagé, mais jusques à quand? Tant nous avons lieu de croire qu'il n'aura pas tardé de mettre à profit la situation pour, déjà volumineux à son entrée dans les lieux, s'employer à croître, croître, et nous verrons bientôt son corps dodu et expansé peser de toutes parts contre le grillage qui l'enclôt, et soudain en faire éclater les mailles et l'armature : et, de là, trop longtemps comprimé dans ce Lebensraum bien trop chiche pour lui, c'est avec une célérité inouïe qu'il va, pour ainsi dire sans effort, par un essor continu de son être, acquérir de telles dimensions et proportions que ... : mais avouons que nous serions bien en peine, non seulement d'évaluer sa croissance, mais de lui fixer des bornes, tout juste nous risquerons-nous à conjecturer qu'atteignant un certain seuil ce pourrait bien être, comme si l'enveloppe corporelle n'avait plus de quoi contenir la prodigieuse poussée interne, la soudaine  explosion, et tandis que les lambeaux résiduels volent dans l'espace peut-être verrons-nous le coeur, l'énorme coeur rouler sur le sol, rouler dans la pente, et hors d'haleine nous le poursuivons, nous sommes de plus en plus nombreux à le poursuivre qui, roulant et dévalant, grossit, grossit encore et toujours, grossit dans notre champ visuel sans qu'il nous soit donné, en dépit de nos efforts, nous aurions beau, par moments, réduire la distance, de jamais le rattraper.


vendredi 24 juillet 2015

AUX CHAMPS AU BUREAU

Alain Créhange in "En peinture Simone" Fage Édition
Huffington Post 7 juillet 2015
Les temps changent, comme nous le montrent les protocoles de ces deux rencontres amoureuses. Effarouchés de leur audace, ces paysans d'antan se sont donné un rendez-vous adultérin et crépusculaire en plein champ,  mais avant de basculer de concert sur la banquette arrière de la  dedeuche du Jeannot, qui vient d'opérer sa jonction avec la brouette de la Jacquotte, ils implorent  le pardon divin pour la peccamineuse étreinte. Quand, fort différemment, à peine Kevin entrait-il dans l'open space que Maeva, le renversant sur la moquette, se trémoussait furieusement sur lui, chaussé de baskets couleur de terre qui pourraient nous signifier qu'il est lointainement issu des oeuvres champêtres de la dedeuche, à moins qu'il ne soit tout bonnement l'avatar du paysan tout à la fois paillard et pieux, et sa partenaire celui de la pudique paysanne dont la lourde robe s'est  épurée en cette aimable jupette aux plis rectilignes restituant les sillons immémoriaux.

mardi 21 juillet 2015

COME BACK

Page Facebook Inkulte
Peut-être se souvient-on d'avoir lu ici ou là qu'un certain Jésus avait ou aurait fait démonstration d'une étonnante faculté amphibie, lui permettant, sous les vivats de la foule, de tout bonnement ... marcher sur l'eau! Vieille histoire, vaguement surannée, dont une intéressante variante contemporaine pourrait bien nous être donnée sur ce document où ce nageur, s'il, comme dit le poète, se pâme dans l'onde, cette onde-là ne sourd et ne procède que du battement rythmique de ses bras qui visiblement ont reçu pouvoir de fluidifier le bitume! Il en serait, ce bon Jésus, s'il voyait cet exploit symétrique au sien, tout simplement baba, à moins que justement ce ne soit lui qui, deux mille ans après son vieil exploit, se serait remis en piste à dessein d'un spectaculaire come back? Et nous le verrions ici à l'entraînement, sur cette départementale déserte, en attendant le grand jour où il se produira entre deux haies de spectateurs en liesse, plus qu'en aucun Tour de France, sous réserve que la vigueur de sa prodigieuse nage continue de triompher du bitume qui, l'attendant au tournant, pourrait finir, sait-on jamais, par se refermer sur lui et l'emporter dans ses épaisseurs sans laisser de lui, matérielle ou mémorielle, aucune trace.

dimanche 19 juillet 2015

PIP

Photo de Karmin Shiff sur Facebook
Cette plantureuse lady,  souriante démonstratrice de débordantes prothèses mammaires PIP (Poly Implant Prothese), se prête de bonne grâce à la visite surprise d'un Contrôleur Qualité senior, vêtu de probité candide et de lin blanc, tel le Booz du père Hugo, mais peut-être quelque peu suspect si l'on en juge par sa coiffe qui affecte, comme par hasard, la forme et l'aspect de ces prothèses mêmes qu'il a reçu mission de contrôler ... Quant à ces colifichets pectoraux dont si complaisamment il fait montre, ils n'ont pas de quoi nous rassurer, même prétendument reçus en récompense d'un professionnalisme qui, à nos yeux, reste douteux ... Et voilà comment les abus perdurent, les prothèses éclatent, les margoulins prospèrent à l'ombre des poitrines expansées.

vendredi 17 juillet 2015

JOUY

    

        La greffe d'un rien a réussi au-delà de toute espérance.

                                                     ***
              Le cadavre était enveloppé dans une toile de Jouy.

                                                     ***
                      Le bermuda de cette fille était si court 
                  que c'est à peine s'il aurait offert la matière 
                                    d'une short story.

mercredi 15 juillet 2015

PARADIMINUÉ

 page FB d'Inkulte 11 juillet partagée par Jeanne Verdun
Au vu de cet écriteau, la mirobolante promesse d'une éternité de mystiques délices a du plomb dans l'aile, dramatiquement compressée en une séquence de tout au plus 24 heures, du moins au Paradis, ou en Paradis, comme on voudra, car il n'est nullement  exclu que le séjour en Enfer soit et continue d'être no limit et qui plus est gratuit, nous ne dirons pas gratis pro deo, à la différence des  paradisiaques payantes 24H maxi ... Selon des sources bien informées, ces  inquiétants panonceaux qui fleurissent depuis quelques jours dans les rues de nos villes seraient à l'initiative du Vatican  - suite à quelle dérogation à la loi de 1905, on se le demande ... -, aux fins de tester les réactions de nos compatriotes inféodés à l'Église de Rome, et de les préparer au pire au cas où le pape François, ruant encore une fois dans les brancards, profiterait d'une visite pastorale à la Fille aînée pour déciller ses ouailles s'ils se voyaient déjà débarquer dans les cieux  avec en poche, si poche il y a, un bail reconductible ad libitum.

lundi 13 juillet 2015

L'ORIGYNE

Clémentine Mélois L'origine du monde, 2015, sur Facebook le 10 juillet

Le Musée d'Orsay vient enfin de prendre une mesure radicale pour obvier aux graves incidents occasionnés par la vision de la plus célèbre vulve de la peinture occidentale. On ne comptait plus les évanouissements en série de lycéens soudainement confrontés à l'illustre tableau du dangereux Courbet, tant ces ados ressentaient la plus indicible épouvante, et l'incompréhension la plus totale, à la vue sans échappatoire de la noire exubérante forêt de poils surplombant et ombrageant la fente de la dame. Plus d'un garçon fut à deux doigts de répudier sa petite amie à la seule pensée du triangulaire massif pileux dont il la savait, désormais,  virtuellement porteuse, et qu'un jour peut-être elle, ou l'une de ses pareilles, innocemment ou par procédé, lui ferait sauter au visage. Fût-ce au prix de voyages scolaires répétés à Orsay, incluant des escales thérapeutiques devant l'objet dûment retouché, défriché, déboisé, réinscrit dans l'ordre rassurant de la culture postmoderne, il faut espérer que la résilience fera son oeuvre, à tout le moins le bienfaisant oubli, et que les poils ne viendront plus hanter nos délicats adolescents.





























samedi 11 juillet 2015

CASTORAMA

CASTORAMA : Boutique entièrement consacrée à Simone de Beauvoir.
                         
 Les Castoramas mettent la clé sous la porte !

La triste nouvelle vient de tomber : il n’y aura bientôt plus aucun Castorama en France ni hors de France ! Nos lecteurs seniors n’ont pas oublié que le triomphe mondialisé du Deuxième Sexe  avait permis l’ouverture d'un premier Castorama à New-York, dans le quartier de Greenwich Village, bientôt suivi de beaucoup d’autres, de Rome à Shanghai, de Moscou à Tombouctou. On y trouvait non seulement les œuvres complètes de la Grande Simone, comme la surnommaient affectueusement ses disciples, mais force reliques dont les plus prisées l’associaient à son compagnon de route, un certain Jean-Paul Sartre, qui passa toute sa vie dans l’ombre de la philosophe féministe, et même au sens physique puisqu’elle le dominait d’une bonne tête. Des facétieux l’appelaient Fidel Sartro, malgré les passades qu’il s’autorisait, dans la candide espérance de s’affranchir du joug. Témoignage émouvant de l’histoire du couple, tous les Castoramas exposèrent longtemps, dans une vitrine dédiée, la reproduction à l’identique de ces pauvres lunettes de Jean-Paul, aux verres fendus, aux branches métalliques tordues, à côté de la page des Mémoires de Guerre de Simone évoquant la terrible crise de ménage à l’issue de laquelle « Je me ruai sur le pauvre Poulou, qui venait de me déchirer mon turban, et sans égards pour sa myopie, aggravée par son strabisme, je lui arrachai ses binocles et je les foulai aux pieds tandis que lui, placide, sortait de sa poche ses lunettes de secours, rafistolées à la suite d’une précédente algarade où elles avaient morflé. »


jeudi 9 juillet 2015

AVE VARIA GRATIA PLENA



L'exploit physique le plus stupide : Sisyphe portant sur son dos Wadeck-Rochet.



                 °°°°°°°°°°°°°°°

Pour la troisième fois consécutive, un panel international de téléspectateurs a élu le pape François "Pope of the Year".

                                  %%%%%%%%%%%%%   


Tentative d'assassinat du général de Gaulle au Petit-Clamart par un forcené répondant au nom de Ravaillac : la lame, telle fut la force du coup, aurait traversé d'énormes épaisseurs de Temps, jusqu'à égratigner la vareuse du Général. "Vingt ans après, j'étais bon.", confie-t-il à son majordome, tandis que Tante Yvonne le ravaude.

                         

mercredi 8 juillet 2015

VARIA

Des hauteurs de Festimont, où j'avais pris mes quartiers d'été, j'entendais monter la rumeur du festival.

                                           ***********

Le Salon du Livre et du Sex Toy de Castelnau-Monratier bat son plein, le grésillement des appareils se mêle à la voix des auteurs lisant des extraits de leurs oeuvres.


                                      *******************

Tous les e égarés par M. Georges Perec dans l'ouvrage de sa plume intitulé La Disparition, auraient été retrouvés par un promeneur, dans un sac échoué sur la grève du côté de Cabourg.
    
                           

lundi 6 juillet 2015

LA GÉANTE

Peut-être aura-t-on déjà reconnu cette jeune géante évoquée par Baudelaire dans l'un de ses plus beaux sonnets, et qui aura voulu s'évader du cadre parfait, mais étriqué, de ces quatorze vers visant à la circonscrire? Force nous est d'observer qu'elle n'aura réussi qu'à tant bien que mal insérer son immense corps dans cette nouvelle clôture, métallique, montée sur roues, où ne manque que le poète soi-même pour, accrochant cette vaste remorque au puissant engin motorisé ad hoc, s'installer au volant ... : et les voici partis au hasard du réseau routier français, avec le souci, toutefois, d'un parcours si possible exhaustif, dût-il requérir des années, des lustres, des décennies, qui verront le vieillissant poète engager son convoi exceptionnel jusque dans les villages les plus reculés et, un jour, au terme de son dédaléen circuit hexagonal, entré à grand peine sur la modeste grand-place de la 36.529ème commune inscrite au parcours, voici qu'à bout de forces et au bout du rouleau notre vieux poète-routier, la tête tombée sur le volant, s'endort, et il ne bouge plus ... : et qui sait si, du coup, belle au semi-remorque dormant, sa toujours jeune géante ne va pas, elle, s'éveiller de son long sommeil, largement bailler, voluptueusement s'étirer, souplement se glisser hors du camion ? Et comme si le Temps eût opéré une immense boucle, la voici revenue aux commencements, au sein d'une Nature exubérante, vierge, terrain idéal de ses terribles jeux, mais pour peu que, lasse, elle vienne à s'étendre à travers la campagne, n'aura-t-elle pas la visite d'un petit bonhomme qui jouera, lui, à parcourir ses magnifiques formes, avant de s'endormir à son tour, à l'ombre nonchalante de ses seins?




dimanche 5 juillet 2015

DEUX CRITIQUES SUR LE SITE DE MICHEL VOLKOVITCH

Deux critiques, mai et juillet 2015,  Photoroman et Proustissimots, sur le site volkovitch.com, le blog mensuel, dédaléen et polymorphe, de Michel Volkovitch (littérature, traduction, cinéma, musique, marathon, vélo, humour, « Pubs maison », « Andouille du mois » et autres spécialités), écrivain, blogueur et traducteur de littérature grecque contemporaine.

Dans les Brèves de mai 2015, Photoroman en 47 légendes (2015) Éditions Champ Vallon

Leskov, Balzac, Lawrence, Voronca, parfait... Mais les jeunes ?
Ils vont bien, merci. Témoin Jacques Géraud. Je le connus autrefois, nous étudiâmes ensemble et je me réjouis fort de le retrouver en grande forme. Jeune ? Sinon par les années, du moins par l'esprit, qu'il a mauvais au bon sens du terme, déployant dans ses récents écrits la verve d'un ado surdoué, ricaneur, déchaîné.
Ça s'appelle Photoroman en 47 légendes et c'est publié par l'excellent Champ Vallon. Règle du jeu : une image, de préférence une photo ancienne, insolite ou kitsch ou les deux, est suivie sur une page ou deux d'une description qui la détourne en se vautrant dans l'irrespect et la salacité. Géraud a ses têtes : Jésus et sa maman, la grande sartreuse et son Paulo, Barthes, Duras, Faulkner, dont il se paie la fiole avec une allégresse contagieuse. C'est non seulement d'une drôlerie féroce, mais fort bien écrit, l'auteur allongeant sa phrase comme le séducteur sa proie, avec une volupté, une dextérité consommées, ajoutant au simple comique, de par cette prolifération verbale excessive, inquiétante, une étrangeté vaguement vertigineuse.
Jeu de massacre méchant et gratuit ? Que non ! Si ce pauvre Jésus en prend ici plein les gencives, les victimes littéraires de notre trublion sont moins assassinées que joliment assaisonnées ; rigoler d'eux ici n'empêche nullement de les lire et relire avec vénération. Et si j'imagine mal Géraud faisant retraite chez les trappistes, ses écrits me semblent faire œuvre salubre, et même hautement morale, en nous armant contre les excès du respect et de la bienséance. Dilater la rate, en principe, élargit le cerveau.
L'impertinent consacra naguère à Proust, dans un esprit similaire, trois livres dont un succulent Proustissimots dont je parlerai ici prochainement. Il poursuit l'exercice de la photo détournée sur un blog marrantissime, geronimots.blogspot.com, où il exhibe une collection de mots-valises qui en fait l'un des ténors du genre.

Dans les Brèves de juillet 2015 : Proustissimots - 69 additifs à la Recherche du temps perdu   (2013) Éditions Champ Vallon
 
Un vent de folie, décidément, souffle sur mes dernières lectures.
Jacques Géraud s'était déjà fait remarquer dans les Brèves de mai avec son savoureux Photoroman. On le retrouve aujourd'hui avec Proustissimots, 69 additifs à la Recherche du temps perdu. Règle du jeu : un titre en forme de mot-valise, suivi de sa définition et illustré par un bref pastiche proustien. Exemple :

AMNÉSISTE  Enclin à chuter dans les trous de mémoire
Depuis ma rencontre fortuite, à Balbeach, avec le docteur Alzheimer, je ne faisais plus que tituber sur la digue, en proie à la vague sensation que d'un instant à l'autre j'allais tomber dans un grand trou tout au fond duquel j'aurais au moins l'avantage, dans cette sérénité abyssale, d'oublier tout, à commencer par ce je ne sais quel Temps prétendument perdu dont je pourrais, enfin, dès lors que bel et bien amnésiste, me tamponner le coquillard, en espérant que tranquillement blotti dans ces profondeurs où j'aurais chu, loin des futilités et vanités du monde, je n'aurais pas à voir descendre sur les flancs de mon grand trou, s'aidant de cordes et d'alpenstocks, ma grand-mère et maman et peut-être, qui pis est, multipliées à autant d'exemplaires que de moments du Temps où j'avais eu à les connaître, même si tout me laissait déjà accroire que, ouf, je ne les reconnaîtrais plus.

Géraud avait déjà deux fois (dans Proustites chez P.O.L et Petits proustillants chez PUF) infligé les derniers outrages à l'infortuné Marcel. La vénération quasi universelle qui entoure ce dernier a certainement de quoi exciter la verve d'un maître en irrespect, mais la vraie raison de cet acharnement est sans doute ailleurs, dans la dimension monstrueuse de l'œuvre proustienne, avec ses phrases géantes, son allongement infini. Les scènes imaginées par Géraud, très variées par ailleurs, reproduisent jusqu'à l'obsession la même figure : l'accumulation, la prolifération, la progression d'une phrase à rallonges vers un cataclysme final. Et de ce qui pourrait passer à première vue pour un aimable divertissement littéraire, une farce égrillarde, poilante et bon enfant, dont l'auteur s'adjuge au passage, avec clitorisque, dilsexy, loverdose, lupanard, mamyfestation, nanamorphose, onomatopless, propagandhiste, stupréfaction et quelques autres, le titre convoité de champion de France du lancer de mots-valises, se dégage insensiblement, à force de démesure dans l'écriture, d'exubérance folle et d'étrangeté dans l'imaginaire, un mélange détonant de malaise et d'euphorie porteur d'une poésie d'autant plus séduisante qu'imprévue.


samedi 4 juillet 2015

WORDS WORDS WORDS

Jadis, car c'était en des temps déjà anciens, ce petit homme trapu voire fort entassé, dirait le duc de Saint-Simon, pratiquait le cross-country, puis il enchaîna sur un sport nouveau qui venait juste d'apparaître : le  footing,  puis toujours soucieux d'être à la pointe de  son temps, nous le vîmes se lancer, plus que jamais suant, dans la dernière mode sportive, et qui fit bientôt fureur : le jogging, et le voila qui sous les flashes des photographes vient de se mettre, car c'est le top du top et, sinon peut-être le dernier mot de la chose, le fin du fin, au ... running ! Quant à savoir quel est l'immuable objet perdu, et retrouvable ou non, que notre increvable personnage répétitivement lorgne de son oeil en coin ... Mais nos lecteurs subtils auront déjà mis un nom sur ce monument qu'il croit voir flotter dans une indécidable brume.

jeudi 2 juillet 2015

LA POIRE


"Julien Gracq" : beau, (trop) beau nom d'écrivain, choisi par celui que l'état-civil ne connaissait que sous le patronyme de  "Poirier" (Louis Poirier), difficile à porter, dira-t-on, pour un auteur ? Sans doute, sauf qu'au vu, d'une part, du galbe émouvant du fruit que voilà, et de certain aspect compassé, d'autre part, de l'écriture gracquienne, on se prendra à regretter l'abandon du patronyme de l'arbre qui, si notre auteur se l'était gardé, eût peut-être produit des fruits qui même moins distingués que les produits vendus sous cellophane ou emballage papier bible du verger gracquien, n'en seraient que plus goûteux, plus juteux, pouvant laisser croire qu'au jardin d'Eden jamais l'arbre désirable et prohibé ne produisit la pomme, mais ce "long fruit d'or" qu'un Victor Hugo aura préféré appeler, sans périphrase, poire.
                                     
                                    *****************
                                            Des seins  
                                       ... en pomme ?
                                               ... en poire ?
                                                     ... en pire ?
                                 C'est possible avec P.I.P !!!