Géronimots XXI

mardi 30 juin 2015

UN HOUYHNHNM

Tels les Houyhnhnms de Jonathan Swift, intelligents et vertueux chevaux qui règnent sur les répugnants Yahoos à face humaine, celui-ci considère, à travers sa fenêtre, le ciel, les nuages, le paysage, et  tout en bas les petits hommes affairés à leurs occupations sordides, soit qu'ils s'entretuent à qui mieux mieux, ou qu'ils  adorent quelque Dieu de leur confection, ou qu'ils se reproduisent jusqu'à pulluler, ou qu'ils détruisent les sols,  creusant de grands trous dont les parois s'effondrent et c'est en vain qu'ils voudraient s'extraire de ces tombeaux qui sur eux se referment et que, plus tard, négligemment le beau cheval piétinera, avant de s'éloigner au petit trot, laissant sur la tombe des petits hommes, en guise d'inscription funéraire, le dessin configuré par la marque de ses sabots équins.

dimanche 28 juin 2015

GRAND DÉPART

Les pouvoirs public, sous prétexte de ne pas effaroucher les populations, se gardent de déclassifier ce genre de documents, où l'on découvre les persistants effets d'une journée de grand départ, classée "noire" ... Las de stagner sur cette départementale d'ordinaire si fluide, qu'ils avaient cru bon d'emprunter, au titre d'itinéraire bis, ou ter, ou quater, les conducteurs de ces véhicules ont fini par prendre la fuite, avec femme et enfants, quitte à se perdre dans les bois où ne survivre qu'en se nourrissant de baies et de champignons. Mais sans doute en est-il d'autres, si nous inspections les habitacles, qui refusant toute désertion seront courageusement restés à leur poste, pour bientôt s'y endormir et peut-être, malheureusement, par suite de la contiguïté avec le métal de leur automobile, si l'on peut dire "mobile", commencer  eux aussi de rouiller avec la tôlerie ... : tant et si bien que si les "secours" finissaient un jour par repérer leur colonne, avant que la luxuriance de cette Nature que l'on dit une mère, et qui est une tombe, ne les ait ensevelis, il ne faudra pas trop les secouer, de peur de les voir se résoudre en une poudre ocre qui vous coule dans la main, vous file entre les doigts sauf, messieurs les gendarmes, à consentir à confier à votre képi le soin d'accueillir un peu de cette poudre, aux fins d'analyses ADN dont nous doutons fort, si poussées soient-elles, qu'elles puissent sortir ces échantillons d'une indifférenciation qui semble bien être leur lot.


















jeudi 25 juin 2015

LE PRÉSERVATIF ACTIF


On ne peut plus futuriste, notre préservatif, indestructible et intégral, au splendide et subtil coloris rouge orangé,  s'arrimera si farouchement au bas-ventre de votre partenaire, madame, que tout arrachement en deviendra impossible, et la sécurité sera totale : safety first, telle est notre devise. Et ce n'est pas tout, car non seulement les reliefs subtils qui le nervurent auront de quoi exalter les sensations du couple, mais son matériau unique, adaptatif et progressif, pourra, monsieur, consolider une turgescence qui viendrait à défaillir pendant l'acte. Et ce n'est pas tout : nous l'avons pourvu d'un oeil high-tech relié à des capteurs qui, madame, permettra à votre partenaire de visualiser en direct la séquence de vos contractions intimes! Ainsi pouvons-nous  garantir  même aux couples usés par la durée  ou enterrés dans la routine, un regain libidinal qui, même sans les sauver de rien, les préservera de tout.

mercredi 24 juin 2015

COMPLÈTEMENT CON-TEM-PO-RAIN

    Tu ne sais absolument RIEN faire de tes dix doigts?  Tu n'as AUCUNE connaissance, AUCUNE culture, dans AUCUN domaine ? Tu n'as AUCUN talent, mais AUCUN scrupule? Tu as UN PEU de bagout et BEAUCOUP de culot?
                L'Art-Contemporain a besoin de toi! 
        L'Art-Contemporain te donne un métier!

Toi aussi tu pourras installer des aspirateurs, des bouteilles d'eau minérale, des cailloux, des déchets, des choses, des trucs, des machins, tout ce que tu voudras.

Tu seras dérangeant,  provocant, transgressant!
Tu seras encensé par les ministres, subventionné par les institutions, légitimé par les critiques d'art, exposé dans les galeries, exhibé dans les muséums, acheté par les milliardaires. 
Ceux qui te dénigreront seront des réactionnaires, des passéistes, des fascistes, des ploucs, des nazis, des cons !
Alors n'hésite plus ! rejoins-nous ! Entre vite vite vite dans la grosse bulle artistique-contemporaine qui pourrait bientôt, chose horrible à voir ....   
                       ..... Crac!
                            .......Boum!
                                 ........Pchhhhhh .... 
                                   éclater!
                             exploser!
                               crever ....

                           
                                           

lundi 22 juin 2015

LA LANGUE

Objet des élans de cette belle blonde, sa maman, ce garçonnet en ressortira-t-il indemne? Transverbéré, comme Thérèse d'Avila par le dard du séraphin, par cette langue maternelle qui plus longue, plus souple que celle du tamanoir, lui va de l'une à l'autre oreille, et au-delà, ne va-t-il pas offrir, suite à cet épisode - si plaisant soit-il, au vu de son sourire -, des troubles dysphasiques inconnus des orthophonistes? Même, de tous les mots qu'il lui sera donné d'énoncer dans la suite de sa carrière,  lequel aurait de quoi échapper à des torsions et distorsions de nature à les rendre, tous, méconnaissables? Tant et si bien qu'à l'instar de la Pythie de Delphes, il pourrait être invité à s'asseoir sur quelque haut tabouret pour y proférer, dans les amphithéâtres, des séquences de vocables dont l'audition rassemblera et déchirera les experts, voués à des élucidations peut-être impossibles, et qui n'auront pas fini d'entendre nuit et jour remuer sous leur crâne, comme d'innombrables pièces dans une énorme tire-lire, tout un amas et ramas de mots d'autant plus monstrueux qu'à force de chocs et d'entrechocs, fatalement ils se pénètrent, s'interpénètrent, en une partouze ininterrompue dont la chanceuse  philologie pourrait avoir de quoi mener plus d'un savant, fût-il chenu, fût-il rassis, sinon au crime, comme dans certaine Leçon du sieur Ionesco, du moins aux dérèglements les plus dangereux jusques et y compris la folie, le suicide?

samedi 20 juin 2015

LA FENTE (2)

Le 21 mai dernier, nous évoquions dans nos colonnes certaine faille ou fente immense, énigmatique,  flashée par un reporter du National Geographic qui dans son enthousiasme n'hésitait pas à convoquer le bon vieux cliché de l'origine du monde ... Il se pourrait, quoiqu'il en soit, que sur cette autre image nous retrouvions le même objet, vu cette fois de l'intérieur, avec deux petits bonshommes peut-être engouffrés puis régurgités par ladite faille, Origine ou pas, comme on voudra. Nous conseillerions volontiers à ces deux petits messieurs, plutôt que de s'attarder sur ce seuil, si majestueux soit-il, de se signaler au plus vite au vaisseau croisant au large de la fabuleuse ouverture, pour que changeant de cap il se porte à leur secours, quitte à courir le risque, en dépit ou en raison de ses dimensions, de se voir aimanté puis aspiré puis avalé, de la proue à la poupe, avec armes, équipage et bagages, dans les secrètes profondeurs de la sublime fente.

jeudi 18 juin 2015

PARADIS PERDU

Glorieux centenaire de la boucherie superbe de Waterloo, ce 18 juin 2015 aura vu la miraculeuse parution simultanée, en anglais du tome 4 de la  bluette BDSM Fifty Shades of Grey, en italien de l'encyclique Laudato si'. Pendant que bâillonnée, piercée et menottée, la chaude héroïne du best-seller british se branle,  le Saint Père n'y va pas de main morte, qui dénonce, entre autres plaies, le réchauffement! Même, si nous en croyons un vaticaniste généralement bien informé, la primitive mouture de l'encyclique était beaucoup plus hard, où Sa Sainteté osait soutenir la thèse d'une " porosité " du Paradis aux délétères influences terrestres ... Havre et oasis de fraîcheur, surnaturellement climatisé, ce merveilleux espace, promis aux Élus après le Jugement, pourra-t-il indéfiniment se soustraire, s'interrogeait "François", aux sulfureuses émanations de la "chaudière", "l'étuve", la "fournaise" en gestation ici-bas?  A croire, selon les prélats irrités, que presque déjà hérésiarque le papal auteur de ces lignes ne tarderait pas de voir, dans la Terre l'Enfer, et dans le Paradis sa dépendance ... Loin d'y jouir, dès lors, de la merveilleuse lumière divine, les supposés Élus n'auraient d'autre envie que de se jeter, comme on se défenestre, dans l'illusoire escalier qui les mena vers les trompeuses délices, pour y dégringoler sans fin sous le regard absent de Celui qui, lit-on sous la plume du papal Bergoglio, "ne nous abandonne pas (...) Il ne se repent pas de nous avoir créés.

mardi 16 juin 2015

MINIBIO : J.-J. ROUSSEAU




ROUSSEAU (J.-J.)  Natif de Genève, musicologue, pédagogue, penseur, auteur, rêveur, promeneur, botaniste, onaniste. Se masturbait pour un oui ou pour un non, menaçant à tout moment de sortir sa queue pour la retourner contre soi. Plus tard, excédés de ses leçons et stimulés par le sieur Voltaire, son farouche concurrent, les Genevois le chassent. Il fait alors figure de Juif errant, parfois poursuivi à coups de pierre par les garnements. On perd sa trace, on le retrouve longtemps après au quartier latin, au fond d'un Mac Do, attablé avec ses potes Robespierre, Saint-Just et un certain Joseph K., les deux premiers acharnés à instruire le procès du troisième, tandis que J.-J. branle le chef, ne sachant à quoi ou à qui opiner

dimanche 14 juin 2015

LE TOUR

Tout fiérot d'arriver en tête au sommet, et d'arborer le maillot à pois  de meilleur grimpeur, ce champion, nouveau Federico Bahamontes ou nouveau Charly Gaul, nouvel Aigle de Tolède ou Ange de la Montagne, ne semble nullement conscient que dans un ou deux dixièmes de seconde il va basculer dans la fatale faille malignement offerte à sa roue, et après lui tout le peloton, autant de pauvres gens promis à dévaler puis se coincer dans cette étroite fente où ils n'ont pas fini de se démener pour tenter de s'extraire, en vain, sans doute en vain, sous les flashes des photographes, voyeurs cyniques d'une agonie vélocipédique qui va mettre un terme à un Tour dont le tracé avait vicieusement prévu une descente impossible?

vendredi 12 juin 2015

LA DISPARITION

lukemaddaford.com

Cet homme - louable intention - a voulu disparaitre, et n'a rien trouvé de mieux que de se coucher sous quatre planchettes, dont il dépasse de toutes parts, le pire étant ses godasses de bipède pointées vers le ciel. Admirons, au contraire, la performance de notre ami le chien, son art de se fondre dans la moquette, à même la texture de laquelle il n'aura pas tardé de se résorber. Et quand le maître (et ce pourrait  bien être, pourquoi pas, le médiocre performer déjà évoqué ?) se relevant, entrant dans son home, appellera et hèlera son chien,"Médor!" "Milou!" ou autre, nul chien ne s'offre à sa vue mais au premier pas de l'homme sur la moquette, et tous les pas suivants, s'il la traverse en tous sens, issu de nulle part et de partout c'est un ironique aboiement qui le poursuit et ne cesse que si, debout, incrédule, ahuri, il ne bouge plus.


mercredi 10 juin 2015

FÊTES GALANTES

Traînant tous les coeurs après soi, ou ceux, du moins, d'un bon paquet de soupirants, cette dame blonde et de bleu vêtue les mène vers quelque   locus amoenus, riante clairière ou murmurante rive où, c'est promis, elle fera son choix. L'élu sera-t-il ce grand monsieur, bien fait de sa personne, qui crut bon de se porter à l'avant du peloton, un peu trop hardiment, peut-être, tant nous sommes d'avis que chacun de ses rivaux aura, lui aussi, des atouts à faire valoir. Celui-ci sourit de toutes ses dents blanches, tel autre a le doigt levé comme pour  scander les vers d'une troublante aubade de sa confection. Et celui-là, donc, au crâne d'oeuf dégarni, doté d'un embonpoint certain, et porteur de grosses lunettes, mais qui a résolument lancé le bras afin de cueillir quelques fleurs dont faire l'offrande agreste à la dame en bleu dont nous voulons croire qu'à l'encontre de certaine Colombine, suivie de Léandre le sot, et de Pierrot, et de Cassandre, et d'Arlequin, et de quelques autres naïfs, elle ne sera pas cette belle enfant méchante qui, nous dit le poète, preste et relevant ses jupes conduit, sinon la marche du monde, au moins son troupeau de dupes.

lundi 8 juin 2015

STAN WAWRINKA SAMUEL BECKETT

    Joie joie pleurs de joie!
Hier à Roland Garros ce ne fut pas Veni Vidi Djokovici,
 bigot de l'Église orthodoxe et homme-sandwich  du gluten free industriel, mais Stan Wawrinka, avec son très pur revers à une main (droite), et avec du ... Beckett, du pur Beckett tatoué sur le bras gauche :
 "Ever tried. Ever failed. No matter. Try again. Fail again. Fail better"  - "Toujours essayé. Toujours échoué. N'importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux."
Et  - pouvoir de la littérature -  il échoua tellement mieux qu'il l'emporta. 

samedi 6 juin 2015

RENCONTRE AU SOMMET

L'anonymat de ce couple qui nous semble une illustration de l'ennui conjugal, pourrait n'être que le masque de l'incognito de deux VIP de la littérature pour peu que, dans ce monsieur, l'on veuille bien identifier tout bonnement Julien Gracq, auteur désopilant, attablé en face de Marguerite Duras, elle a beau se dissimuler sous un gros bonnet noir. Y aurait-il une liaison secrète entre ces deux monuments? Ou s'agit-il d'une rencontre au sommet, en vue d'une répartition des territoires? Celle-ci voulait-elle entrer vivante dans la Pléiade, à l'instar de celui-là, en qui elle aura vu  un intercesseur? Pour l'heure, en tout cas, la glace n'est pas rompue. Gracq se raccroche morose à sa clope, Duras consulte un mémorandum, ou la modeste carte des vins, encore qu'elle ait toujours préféré, à la qualité, la quantité. Une chose est sûre : dans un moment elle sera pompette, peut-être jusqu'à rouler sous la table, offrant à notre auteur, s'il était Proust, le motif d'une page haute en couleurs. N'étant que Gracq, il va regagner sa vieille maison où relire les lettres récentes ou racornies de ses fervents, autant d'amateurs de grand style, même et surtout amidonné, comme la nappe, au restaurant.

jeudi 4 juin 2015

L'APPARITION

Avec toute la légèreté de leur âge, ces jeunes gens ont cru bon d'applaudir bruyamment l'homme que voici, sans du tout pressentir que s'il ouvre ainsi les bras, s'il lève ainsi la tête, c'est que vient de lui apparaître, comme la Madone à Bernadette Soubirous, rien moins que la RÉPUBLIQUE ! Bouleversante expérience, mystique et fondatrice, dont nous voudrions croire que le tapage des jouvenceaux n'aura pas suffi à troubler la ferveur. Quant à ces deux fauteuils au premier plan, tournant eux aussi le dos au public, notre illuminé aura peut-être le bonheur de s'y asseoir en compagnie de soi-même  ... Marianne, descendue exprès pour lui de l'empyrée. Espérons seulement qu'il ne va pas en profiter pour imiter Arthur Rimbaud qui nous confie : "J'ai assis la Beauté sur mes genoux", sauf que loin de trouver celle-ci "amère", comme le jeune poète déjà blasé, le goujat aura bientôt glissé la main sous sa jupe, avant de la trousser, de la violer, comme un soudard une soubrette, sous les vivats des groupies épatés du toupet de leur petit lider maximo.

mardi 2 juin 2015

L'EXPOSITION

Photo AFP

Arthur Rimbaud, négociant à Harar, Abyssinie, songeait amèrement qu'il pourrait s'exposer lui-même à la prochaine Exposition Universelle "car je crois -  écrit-il le 18 mai 1889 - qu'on doit avoir l'air excessivement baroque après un long séjour dans des pays comme ceux-ci." Rimbaldien à l'insu ou non de son plein gré, l'homme que voici n'aura pas hésité à s'exposer lui-même, ces jours-ci, dans le cadre plaisant de la Biennale de Venise. Même, avant de prendre la pose sur le stand de son galeriste, un sieur Pinault, connu pour ses milliards et célèbre pour son goût, il n'a pas hésité, à des fins clownesques, à se projeter de la crème fraîche sur le visage et le costume. Rien, d'ailleurs, ne semble l'effrayer, si nous en croyons la rumeur qui prétend que dans ses aspirations à la haute voltige philosophique, il se serait hardiment réclamé de l'oeuvre de Jean-Baptiste Botul. Dans un tout autre registre, plus polyvalent qu'un Leonard de Vinci, il aurait mis toutes les lumières de son esprit à convaincre un Président de l'ardente nécessité d'attaquer la Libye. C'est un homme universel, rien ne lui échappe, si ce n'est le sens du ridicule.