Géronimots XXI

mardi 27 octobre 2015

LE TEMPLE

Photo journal Facebook Alain Rothstein 
Ce dévot aura poussé le zèle jusqu'à faire de sa personne même le temple de la divinité ! Ses yeux immensément agrandis témoignent de l'effort qui dut être sien, mais sa joie doit être extrême à sentir que sur son chef le fameux insigne et symbole vient délicatement de se poser, et tant pis s'il s'ensuivait un léger chatouillis, d'abord imperceptible, puis de plus en plus obsédant, au point d'être cause, à notre dévot personnage, pétrifié et sanctifié, d'une sorte de tremblement intérieur qui pourrait s'exprimer par une lézarde, courant sur sa pieuse façade et s'allongeant, s'élargissant jusqu'à tant qu'horrifiés, nous signant à ce spectacle, nous ayons à voir l'édifice se fendre et s'écrouler à grand fracas, changé en un monceau de moellons dont nous pourrions avoir la divine surprise de voir lentement s'extirper, comme en une difficile naissance, un homme presque nu, les hanches à peine couvertes d'un pagne, qui hâve, échevelé, tremblant et tout en sueur a sur son dos l'emblème même qui, avant sa destruction, surmontait la sainte bâtisse, et voici que grimpant la pente instable de cet amas pyramidal, dont il s'est extrait, elle s'étire devant lui et c'est, déjà, une colline caillouteuse, promise à s'agrandir en une véritable montagne de pierres et de gravats que le pauvre bougre n'aura pas fini de gravir, tombant, se relevant sur ses tremblantes guiboles, noyé de sueur, zébré d'écorchures, et grimpant toujours, toujours grimpant tel un Sisyphe dont le gigantesque bloc serait la montagne foulée par ses pieds nus, et le faix l'emblème cruciforme qui, naguère léger, ne cesse de s'alourdir sur son dos.