Qu'est-ce donc que ce jeune bourgeois, orné de sa coquette moustache aux pointes effilées, pourrait bien tenir dans son poing gauche, sinon ... le coeur de sa pauvre mère, qu'il vient de lui arracher ? Et tandis que présentement la malheureuse est peut-être gisante, exsangue, entre les pieds de la chaise où siège son fils bien aimé, celui-ci, tout fier de sa conquête, autant que si c'était le Saint Graal, serre et crispe si fort son poing sur le cher et triste objet que si cette image se colorisait, nous verrions de rouges ruisseaux dégouliner sur son veston, sur le jabot de sa chemise, sur son pantalon, en un flux si abondant qu'il faudrait se demander si par l'effet d'un étrange prodige ne se mêle pas, au sang maternel, le sang du matricide?
samedi 28 mars 2015
LE POING
Libellés :
Marcello
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .