Jacques Henri Lartigue |
A quelle occupation, sous les dehors du farniente, s'emploient donc ces cinq jeunes femmes, allongées sur cette pirogue, jambes pendantes au-dessus de l'eau? Nous sommes d'avis, quant à nous, que lasses de la condition humaine, et notamment de leurs décevantes relations avec la partie mâle de cette engeance, qui jamais ne comprit rien aux détours de l'âme féminine, elles attendent, elles espèrent le coup de baguette magique qui, reliant leurs jambes fuselées pour en faire une entité unique, assurera leur conversion instantanée en un quintette de sémillantes sirènes que nous verrons illico glisser dans l'onde, s'initiant en un rien de temps, par le moyen de leur souple nageoire caudale, aux modalités de la natation propre à leur nouvel état, tout heureuses de sinuer, fuser, virevolter dans les eaux limpides de la grande bleue, et de se laisser poursuivre par les plus performants crawleurs de ce genre qu'elles ont fui, et qui ont beau battre des bras et des jambes avec une vigueur presque surhumaine, tout juste si par instants ils réussiront à frôler du bout des doigts la pointe des seins des vives et lestes créatures, et le large et souple et luisant pédoncule caudal, qu'ils voudraient prendre à pleines mains, toujours leur échappe et c'est à peine, hors d'haleine, s'ils réussissent à regagner le ponton.