Sans doute aura-ton déjà reconnu, sur ce document tout récemment déclassifié, issu des
archives du Musée de l'Air et de l'Espace, sur cette photo unique et si longtemps ultra-secrète, tout simplement et tout bonnement le glorieux supersonique franco-britannique au nom connu de tous, dont le tragique crash du 25 juillet 2000 brisa net la carrière. Cette étonnante image nous montre un moment-clé de son tout premier vol
d'essai stratosphérique et supersonique, non sans jeter un jour quelque peu inquiétant sur les
déformations de structure dont le bel engin pouvait être l'objet : on observera,
notamment, les gonflements suspects du fuselage qui, au-dessous des ailes de géant de cet aéronef à nul autre pareil, semble littéralement se dédoubler, par l'effet d'une impressionnante turgescence suggérant
que son élasticité est aux limites de la rupture … Et tel doit être, au vu
du rougeoiement général, l'échauffement de toute la structure, que la perspective
d’un embrasement imminent ne nous paraîtrait pas incrédible. Nous irions même
jusqu’à soupçonner que, nouvel Icare, le pilote
d’essai aurait bien pu, ce jour-là, ce premier jour, emporté par son
enthousiasme, pousser les puissants moteurs bien au-delà du raisonnable, et la supposée vitesse maxi de Mach 2,3 dut
lui sembler dérisoire, quitte à risquer, tant pis, l'explosion en vol? Quant à
l'altitude, nul doute qu'elle dépassait et de beaucoup les 20.025 mètres du
plafond officiel … L'étonnant, pour ne pas dire l'inouï, c'est que l'appareil
ait pu réchapper sans aucune séquelle d'une telle épreuve initiatique. Et nous
nous prenons à rêver si nous considérons, quitte à pédagogiquement simplifier le tableau de bord, que l’hubris de ce premier vol n’aura requis que de presser d’un doigt un bouton et ce fut
l’irrésistible essor, allegro, allegrissimo, crescendo, accelerando,
prestissimo, fortissimo, altissimo, toute la magnifique carcasse vibrait,
tremblait, rougeoyait et montait au troisième, quatrième,
cinquième, sixième, septième ciel, jusqu'à d'inimaginables empyrées et ... : mais c'est à nos lecteurs ou nos lectrices de poursuivre une évocation qui excède à ce point les faibles pouvoirs de notre plume.
samedi 17 janvier 2015
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Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .