De ceci au moins nous ne saurions douter : s'installant au volant de son automobile, le conducteur que voici, largement sexagénaire à ce moment-là, allait partir en voyage, et voyage il y eut en effet, non pas dans l'espace, comme prévu, car le véhicule ne se déplaça pas d'un pouce, mais à peine le moteur eut-il commencé de hoqueter puis de tourner, dans le temps : dans le temps qui se mit à reculer, reculer sans que, bercé par le ronron du moteur monotone, l'intéressé s'en avisât qui, venant tout juste de rouvrir les yeux, ne semble guère informé de sa cure de jouvence, ni de son auto rapetissée ... Encore n'est-ce peut-être pas fini, car le moteur tournant toujours, parions que sous peu le pauvret se sera, tout bonnement, aboli dans l'habitacle, ne laissant de sa personne, qui toujours s'amenuisa, que son beau béret blanc qui pour son chien fidèle - et plus stable, lui, dans le temps - sera le doudou que jamais il ne lâchera.
jeudi 2 avril 2015
LE VOYÂGE
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .