Telle est la dureté de la crise que l'on peut voir des seniors désormais contraints, pour survivre, de se faire vendeurs de journaux dans les rues de nos villes : ainsi ce pauvre vieux qui cherche désespérément à fourguer sa feuille de chou à des passants ... passant leur chemin sans faire mine de le voir. Encore aura-t-il apparemment réussi, par quel miracle, à vendre l'un de ses exemplaires à cette dame bien mise, genre bourgeoise des beaux quartiers (sac en croco, imper Burberry, bandeau dans les cheveux), qui n'aura consenti à le lui prendre que pour se donner bonne conscience, foncièrement indifférente aux misères du "peuple", puisque c'est le mot que nous lisons à la une de la gazette, qu'elle tient avec ostentation, tout en regardant ailleurs. Mais, pathétique, le pauvre diable persiste qui, à défaut de son petit journal à peu près invendable, voudrait du moins que l'on accepte ce feuillet, qu'il propose à titre gracieux, évoquant probablement la série de ses malheurs, comme fit un jour, sur les quais de la Seine, Jean-Jacques Rousseau, avec le même insuccès puisque, à l'en croire, pas un passant ne voulut s'en saisir.
mercredi 8 avril 2015
LE JOURNAL
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Sartre
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .