Alicia Martin |
Enfouis dans l'énorme masse opaque de la Rentrée Littéraire d'Automne, ce sont souvent les livres les plus forts qui deviennent l'objet de la cécité générale. Ainsi le dernier né de Katarina von M : Ouverture progressive des orifices. On ne résume pas un tel ouvrage, son ambition est prodigieuse, qu'il nous suffise d'avertir le lecteur putatif que dès les premières pages, un gouffre s'ouvrira sous ses pieds, un vertige affolera son être, et s'il n'a pas le réflexe salvateur - s'il n'est pas déjà trop tard - non seulement de refermer le volume mais, ainsi le jeune Nathanael, enjoint par le narrateur des Nourritures terrestres, de le jeter par la fenêtre, il est perdu, tout comme le passant qui va ramasser le livre tentateur, gisant sur le trottoir, et tout en marchant il le feuillette, il est happé, il ne voit plus rien de la réalité matérielle, qu'une plaque d'égout vienne d'être ôtée, et il tombe, il tombe avec à la main l'Ouverture progressive des orifices, il tombe comme tombent les marins dans le maelström d'Edgar Poe , et peut-être lui non plus ne le verra-t-on jamais remonter.