L'anonymat de ce couple qui nous semble une illustration de l'ennui conjugal, pourrait n'être que le masque de l'incognito de deux VIP de la littérature pour peu que, dans ce monsieur, l'on veuille bien identifier tout bonnement Julien Gracq, auteur désopilant, attablé en face de Marguerite Duras, elle a beau se dissimuler sous un gros bonnet noir. Y aurait-il une liaison secrète entre ces deux monuments? Ou s'agit-il d'une rencontre au sommet, en vue d'une répartition des territoires? Celle-ci voulait-elle entrer vivante dans la Pléiade, à l'instar de celui-là, en qui elle aura vu un intercesseur? Pour l'heure, en tout cas, la glace n'est pas rompue. Gracq se raccroche morose à sa clope, Duras consulte un mémorandum, ou la modeste carte des vins, encore qu'elle ait toujours préféré, à la qualité, la quantité. Une chose est sûre : dans un moment elle sera pompette, peut-être jusqu'à rouler sous la table, offrant à notre auteur, s'il était Proust, le motif d'une page haute en couleurs. N'étant que Gracq, il va regagner sa vieille maison où relire les lettres récentes ou racornies de ses fervents, autant d'amateurs de grand style, même et surtout amidonné, comme la nappe, au restaurant.
samedi 6 juin 2015
RENCONTRE AU SOMMET
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .