Ce vénérable patriarche, orné de sa barbe blanche comme neige, et respirant la force et la santé, nous semble pourtant fort perplexe : et comment ne le serait-il pas, ès-qualités de géniteur de ce triste individu posant à ses côtés, qui n'offre à l'objectif que sa tête malade, sa mine défaite, ces lèvres pincées et cet oeil fixe où germe peut-être l'ouragan de pensées non seulement, chose banale, homicides, mais, horreur, parricides ? Est-ce un hasard si la pointe du noeud qui ferme le col du misérable suggère la lame d'un couteau? Tout disposé qu'il pourrait bien être à la plonger dans le coeur généreux du vieux bonhomme, et secrètement réjoui d'être aspergé des jets puissants de son sang, voire intarissables et tant pis si pour sanction d'un crime si hideux, si contre-nature, le torrent pourpre devrait emporter le funeste personnage vers Dieu sait quelle maudite destinée.
vendredi 30 décembre 2016
PATER ET FILIUS
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .