Sans un regard pour
le gros oeuf Fabergé que lui présentent deux éphèbes, ce vieil homme,
bizarrement attifé, se frotte les mains à la vue de son autre cadeau, qui
semble pourtant moins attractif, consistant en une figurine fixée sur deux
planchettes, le tout posé sur un gros coussin, rouge, comme sa drôle de capuche. Il couve cet objet d'un oeil chargé d'une telle convoitise que
tout laisse penser que d'un instant à l'autre il va, n'y tenant plus, se ruer, comme un enfant sur un bonhomme en pain d'épices, et ouvrant
une bouche grande comme un four nous le verrons qui a commencé de croquer la
friandise, avec des dents on dirait de loup même s'il n'est pas exclu que
soudain, crac, le vieux glouton vient d'un coup de s'en casser quelques unes
sur la substance, jusqu'alors friable, de son cadeau, et qui peut-être se
régénérait à mesure que ses ratiches y creusaient des trous, mais sans préavis
elle s'est durcie, comme du stuc, comme du marbre, inexpugnable à la mâchoire
bien entamée du vieux bougre qui grimaçant de douleur, marmonnant des injures
ou des imprécations, jette des regards effarés vers la statuette intacte,
impavide, dont nous pressentons qu'il n'aura pas fini, dans la clôture de ses
appartements, d'interroger la redoutable énigme.
mercredi 25 novembre 2015
A CROQUER
Libellés :
JC
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .