Entassés sur cette barcasse insalubre, à la coque mangée de rouille, ces migrants cherchent à gagner nos rivages, et pour ce faire ils n'ont pas hésité à hisser à la poupe de leur misérable esquif le drapeau tricolore, dans l'espérance qu'une ruse aussi naïve aura de quoi duper nos gardes-côtes. Même, siégeant à l'avant de la nef, derrière un passeur costaud, cet homme à l'air faraud, presque trop soucieux d'être propre sur lui, a cru bon de se mettre en veston-cravate ; quant à la migrante établie dans son dos, voyez-la qui se pavane en tailleur-pantalon crème! Vaines coquetteries pour peu que leurs deux passeurs aient déjà décidé de conduire tout ce petit monde, non pas au pays des droits de l'homme, mais, comme le Northumberland mena Napoléon déchu sur le rocher de Sainte-Hélène, vers quelque îlot perdu au milieu de ces eaux plombées et grises, dont rien ne garantit que la triste cohorte puisse revenir jamais.
mercredi 2 septembre 2015
BOAT PEOPLE
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Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .