Vieille tradition enfin remise à l'honneur, dans ce village des Cornouailles, la présentation cérémonielle et solennelle du Benêt de l'Année! Le voici donc, affublé de tous les simulacres d'une royauté fantoche, la cape, la couronne, le sceptre, et rituellement encadré par un Parrain et une Marraine, celui-là en grand uniforme carnavalesque, celle-ci, selon l'usage ancestral, tout de blanc vêtue, en signe d'une pureté que le Benêt, salué par le mugissement des bovidés, aura mission d'outrager dans la paille d'une grange, tout en recevant de la main de son Parrain, usant du sceptre pour badine, vingt cinq coups sur son postérieur à découvert. Viendront alors, avec leurs débordements inévitables, les joyeuses agapes villageoises, sous la présidence du Benêt bientôt tout à fait ivre. Et peut-être, tard dans la nuit, si les rites vont à leur terme, le Benêt sera-t-il entraîné vers les Grands Marécages, à quelque distance du village, quitte, s'il ne sait se dépêtrer de leurs sols spongieux, à s'y voir avalé en silence, comme pour mieux favoriser l'oubli général de la Journée du Benêt, en attendant la présentation de son successeur l'an prochain.
samedi 19 septembre 2015
LE BENÊT DE L'ANNÉE
Libellés :
"Rois sacrés",
Fête
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .