La recherche du temps perdu, déjà évoquée dans nos colonnes, bat son plein sur cet anneau de vitesse, plus fabuleux que celui du LHC du CERN près de Genève. Nous ne saurions dire au juste combien de tours ce stayer, pédalant ferme derrière une motocyclette impavide, a déjà effectués, suffisamment en tout cas pour avoir d'ores et déjà obtenu, s'il avait pris le départ jeune homme, de soustraire quelque quinze ou vingt unités au chiffre de ses ans. Reste maintenant, et c'est peut-être le plus difficile, à gérer la fin de la course sans accroc, c'est-à-dire en évitant de passer, comme un fauve dans un cerceau tendu de papier, littéralement au travers du Temps, sous peine de tomber dans une sorte d'antimonde où ne subsisterait, de notre petit coureur, que son vélo minuscule dégringolant et tournoyant dans une nuit noire, sans astres, sans étoiles, comme si, peut-être, le petit vélo en eût capté et assimilé tous les éclats, les concentrant jusqu'à léser, à force d'éblouissement, tout oeil qui viendrait à viser cet objet, s'il y avait un oeil pour voir ce monde vide, n'était l'incandescent petit vélo qui tombe et tournoie dans le noir.
mardi 5 mai 2015
UN STAYER
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Vélo
Jacques Géraud est (s'efforce d'être) écrivain. Après des études austères (hypokhâgne, khâgne, bagne, ENS de Saint-Cloud, agrégation de lettres modernes), il a jusqu'à sa retraite enseigné en lycée dans la banlieue parisienne. Il vit à Lyon. Il a publié une dizaine de livres atypiques chez P.O.L, aux PUF, chez JBZ/Hugo&Cie, à l'Arbre Vengeur, aux éditions Champ Vallon.Conférencier des Alliances Françaises en 2009 aux États-Unis et au Canada. Il a été chroniqueur sur le Huffington Post (Culture), et sur ventscontraires.net (revue collaborative du Théâtre du Rond-Point) .