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PHOTOROMAN EN 47 LÉGENDES
PHOTOROMAN EN 47 LEGENDES de Jacques Géraud
Légende, nom féminin, du
latin legenda : ce qui doit être lu (Petit Larousse)
Au commencement, il y a la magie
du verbe de Jacques Géraud. Il s’agit d’un phrasé très personnel, jubilatoire,
méandreux, étiré, proustien diront certains en admettant cependant que
la phrase du grand Marcel contient moins d’anglicismes farfelus, de latinismes,
de calembours, de voltes, de pirouettes. Si bien que l’étude de la prose de
Jacques Géraud devrait s’imposer à quiconque voudrait embrasser le noble métier
des lettres. Il ne serait pas mauvais non plus que les professeurs revisitent
enfin les paradigmes des figures de style afin de remplacer par exemple les
sempiternels serpents qui sifflent sur nos têtes par cette phrase de la
page 47 de Photoroman : « … sans que nul souffleur ne
s’offre – mais ne serait-ce pas tricher ? – pour l’aider enfin à énoncer
ce que c’est que ceci qui est sien… »
Après le verbe de Jacques Géraud,
il y a ses mots. Qu’ils soient usuels, rares, oubliés, méconnus, ils ont en
commun d’être choisis avec un soin rigoureux parmi les dizaines de milliers
d’entrées du dictionnaire, dont on se demande parfois s’il n’est pas le livre
de chevet de l’auteur pour le si bien connaître. Prestesse, flapie, giberne, infrangible, boulange, remuements,
pulvérulente et autres flaccidités… quel plaisir de (re)découvrir ces
idiomes savoureux. L’auteur de Photoroman nous rappelle à chaque page que
notre langue est belle et qu’il est salutaire de l’honorer ainsi, de la
restaurer, de la servir.
Mais que dit-elle cette
phrase ? Elle engendre et génère des légendes. La légende, c’est tout d’abord un texte expliquant une
photographie, un dessin (Larousse). Mais tout en légendant Jacques Géraud
détourne. Quand d’autres choisissent les mineures, les fonds ou les avions,
l’auteur (qui dérouta un temps les mots – Proustissimots édition Champ vallon ) détourne ici le sens
des photos ou des tableaux qui lui
tombent sous la main. Car il sait que la légende est aussi un récit à
caractère merveilleux où les faits historiques sont transformés par
l’imagination (re Larousse). Et en légendant à tout va, l’auteur s’en prend
avec la même verve au quidam ou à Jésus himself, en passant par Lenine, Kafka
ou Sartre, devenant ainsi le prophète d’une nouvelle mythologie, où le Christ, ployant sous une poutre de belle
taille, s’en va bâtir un chalet suisse en kit.
A côté des grandes figures
religieuses ou littéraires, moquées et pastichées à souhait, Jacques Géraud
s’intéresse aussi à la nudité féminine, rappelant avec un clin d’œil que de la
satire au satyre il n’y a jamais qu’une lettre de différence. Il n’ignore pas
que la tonalité d’une œuvre, musicale ou littéraire, est souvent donnée par le
premier et le dernier mot. Ainsi, quand Proust commence son oeuvre par Longtemps
pour l’achever avec temps, Jacques Géraud ouvre son livre avec épouse
et le finit avec… nue ! Sex Gods et Jeux de rôle….
Et c’est pas fini. Le forfait
Jacques Géraud vous offre aussi le blog Geronimots.
Pour ma part, je commence souvent
mes journées avec la lecture des trois aphorismes de Chevillard, et je la
termine devant une photo légendée de Jacques Géraud à cette adresse :
Courrez-y, la littérature y est en de bonnes mains.