L'OEUF
Lointaine
anticipation (?) des Oiseaux
d’Alfred Hitchcock, nous voyons ici une jeune fille, possiblement vierge,
recevoir la visite inopinée d’un personnage dont les traits et les aspects
humains ne sauraient faire oublier cette belle paire d’ailes, dûment ancrées
dans son dos, attestant ses facultés aéronautiques et suggérant un atterrissage
tout récent. Et rien ne dit que le volatile ambigu, pointant une patte griffue vers la demoiselle visiblement apeurée, ne
l’a pas déjà invitée à quelque embarquement immédiat, la jetant et
l’assujettissant sur son dos, entre les deux puisantes ailes, et l'emportant dans la nue, comme Zeus changé en aigle enleva
Ganymède, jusqu’à quelque repaire incroyablement haut perché où la soumettre à
ses désirs, moins peut-être à des fins récréatives que reproductives ?
Tant et si bien que d’entre les cuisses de sa partenaire pourrait bientôt
tomber quelque gros œuf, dégringolant des formidables hauteurs, et grossissant toujours, pour atterrir
enfin sur le sol dur d’une plaine immense où il éclate aussitôt, tel sera le choc, libérant,
comme une capsule spatiale venue d’ailleurs, l’étrange attelage d’un homme
jeune, quasi nu, et d’une longue poutre double qu’il porte sur son dos, à peine sonné ou commotionné puisqu’il s’est déjà mis en route,
ployé sous le poids de son lourd fardeau, vers certaine lointaine colline pour,
s’il y atteint jamais, en gravir si lentement la pente, comme un tapis roulant
dans le sens opposé à sa marche, que nous en venons à craindre que le sommet ne
reste vierge de l’empreinte de son pied nu et de la marque de la pièce de bois dont il sera l’éternel convoyeur.