Géronimots XXI

samedi 13 janvier 2018

DEUX CÉLINE, DEUX SADE



   Gallimard vient enfin de renoncer à son projet de publier les pamphlets abjects de Céline - d'un Céline qui n'est plus le grand Céline du Voyage, chef-d'oeuvre absolu, mais déjà l'auteur de romans de plus en plus hystérisés, à base de "!" et de "..." ("Vous écrirez télégraphique ou vous écrirez plus", proclame le simplet qu'il est devenu) et des pamphlets antisémites : double effondrement, stylistique et intellectuel, et chacun des deux est comme la doublure de l'autre.
     Le fameux "rouleau" du Sade embastillé : Les 120 journées de Sodome, vient d'être déclaré ... "Trésor national". Hélas, comme il y a deux Céline, il y a deux Sade : l'écrivain scandaleux mais très drôle et même génial des Infortunes de la vertu ( = les malheurs de Sophie, ne pas confondre avec Justine ou les malheurs de la vertu, remake gore et raté), de La philosophie dans le boudoir (que j'ai préfacé (1993) dans l'éphémère "Collection" chez P.O.L), de certaines séquences de L'Histoire de Juliette, et l'autre Sade qui sombre dans la lugubre litanie des atrocités sans distanciation et de la scatologie systématique (à l'effroi justifié de Gilbert Lely son élégant biographe, amant mystique et exégète confus), singulièrement dans ces ignobles 120 Journées dont jadis le fier à bras Sollers se proposait de lire des extraits au JT de 20 heures, et voyait dans cette (heureuse) impossibilité la marque insupportable de la censure.