Pourquoi diable ces cinq messieurs se sont-ils trouvés réunis sur ce document, doté d'un beau fond rouge sang de boeuf, sinon pour illustrer, par une frise didactique, l’évolution de la capilliculture à travers les
âges ? Les deux premiers spécimens de la série semblent flirter avec la
gémellité, ornés de la même épaisse, longue et large barbe, à la
manière des patriarches bibliques ou de soi-même l’Éternel. Plus dépouillés, les deux modèles suivants auront eu à se suffire du port d’une simple moustache, qui tendrait à les rapprocher si tels les fameux
Dupont et Dupond, les extrémités de l’une n’étaient
descendantes, celles de l’autre coquettement relevées en pointe, outre que la boule à zéro du N°3 offre un parfait contraste
avec les cheveux drus et implantés fort bas du N°4. Vient enfin, pour clore
notre frise historique si instructive, un N°5 qui s’agissant des cheveux représente une subtile synthèse entre le N°3, au crâne aussi nu que le maillot intégralement épilé de nombre de jeunes femmes d’aujourd’hui, et le chevelu N°4, sans compter que le haut du crâne dégarni de ce N°5 ne serait pas
sans évoquer la coiffure spéciale d’un Donald Sutherland dans le Casanova de Fellini, auquel on aura
voulu rendre hommage ? Il est, de plus, entièrement glabre :
ni barbe, ni moustache, autant dire qu’en notre revue de ce quintette nous serons
passés de la plus luxuriante pilosité, asymptotique à l'hirsutisme, à un faciès nu et lisse suggérant, peut-être, la transparence d’une mode ou d’un monde
qui n’aurait rien à cacher? Reste qu’au-delà de ces caractéristiques ces cinq messieurs, barbus, moustachus, chauves, dégarnis, glabres, n’ont-ils pas des petites gueules bien sympathiques ? En espérant, toutefois, que par le fait du réchauffement climatique, ou pour quelque mystérieuse raison, tout ce rouge qui les enveloppe n'entreprenne pas, comme en le reliquaire de son ampoule le sang de saint Janvier, de se fluidifier, se liquéfier, engluant lentement la face placide de nos cinq bonshommes d'une poisseuse nappe rouge qui, outrepassant les limites du cadre, irait s'aggravant en un rouge déluge, inextinguible, que l'on dirait issu d'un immense abattoir.