Géronimots XXI

dimanche 29 novembre 2015

FRUNCÉ SI VOUS SAVIEZ ...

Facebook Dominick Drouin
A peine tombée, la nouvelle affole la communauté des proustiens : Illiers, Eure-et-loir, ne serait devenu Illiers-Combray que sur la foi d'une erreur tragique,  car c'est le petit village de Fruncé, Eure-et-Loir, qui, et lui seul, mériterait ce label, pour la bonne raison que la véritable maison de la tante Léonie, l'alitée de la Recherche, dont le grand Marcel s'amuse à se dire un avatar, générant la littérature, ne se serait jamais trouvée sur les terres d'Illiers, mais de Fruncé ! "Illiers, écrit le professeur émérite Lestiboudois, dans la première livraison du Nouveau bulletin proustien, n'est redevable de l'imposture de sa fortune qu'au jeu de mots subliminal qui, à l'inconscient abusé des Islériens,  aura  fait croire depuis presque un siècle qu' Il y est ... Lui qui n'y fut jamais, lui qui était à Fruncé, où sur le site de la vraie maison de la tante Léonie, démolie depuis des décennies, règne aujourd'hui le pavillon d'un retraité de la Poste, une maison Phénix ..." ; mais, ajoute le Professeur, "N'avons-nous pas dans ce Phénix l'augure d'une renaissance?". Et d'inviter tous les Islériens, tous les tenants de la toponymie trompeuse, à déserter Illiers pour laisser leurs désirs partir en caravane vers ce Fruncé qui, médiocre bourgade, dès lors que baptisé Fruncé-Combray n'en sera que mieux le support d'une transfiguration. Reste à savoir combien de nos proustiens, même ébranlés dans leur croyance, voudront ou sauront se détacher des murs d'une maison qui, serait-elle illégitime, est aussi sacrée à leurs yeux qu'aux mahométans la pierre noire de la Mecque. Selon  de bons connaisseurs de la confrérie, un schisme n'est pas exclu, avec deux Combray ennemis,  Islériens et Fruncéens se regardant en chien de faïence, s'anathématisant, se lançant la Recherche à la tête ; de nouveaux manuscrits, même, pourraient sortir des tiroirs, de nouvelles paperoles accréditant ou censées accréditer Fruncé. Les plus pessimistes craignent une guerre de cent ans, bien de nature à écorner la gloire inouïe qui nimbe le nom du génial écrivain. Quant à notre professeur émérite, en son inlassable ardeur, aux objets renouvelés, il serait sur le point de lancer un Néo-bulletin voltairien aux fins de météoriquement jeter, dans le jardin des dévots du grand écrivain des Lumières, cette non moins terrible pierre : Ferney-Voltaire est une erreur, le véritable château du philosophe du canton de Gex se dresse à quelques kilomètres de Ferney, dans une localité dont la première livraison du Néo-Bulletin fera éclater le nom. D'autres bisbilles en perspective, dont nous ne manquerons pas d'informer nos lecteurs.


vendredi 27 novembre 2015

ENTRE-DEUX

Photo sur le journal Facebook de Katto Tokyo partagée par Marie-Pierre Wattiez

Au mépris de toutes les consignes, franchissant le périmètre de sécurité ce garçonnet a cru bon de s'approcher au plus près et d'engager sa tête dans cet entre-deux, sous les yeux probablement effarés de ses camarades, hors-cadre, hors-champ, dont nous espérons que faisant promptement la chaîne ils tenteront de décrocher le petit malheureux, en proie à une fascination irrésistible  ... A moins que tout au contraire, un peu moins fou que les autres, il ne soit le dernier survivant de son groupe de copains, pour peu que tous aient tour à tour été happés, comme autant d'insectes par le trop séduisant calice d'une fleur carnivore, et courageusement, faute d'avoir pu les dissuader, il s'est lancé vers le lieu fatal où, s'égosillant, il les hèle, il crie leurs noms dans l'espérance de les voir revenir au jour, mais rien ne répond à sa voix sinon l'écho démesurément amplifié de la banderole sonore des Kevin ... Enzo ... Hugo ...  Mathéo ... Sacha ... Arthur ... Liam ... Lucas ... Nolan ... Maxence ... , tournoyant et se gonflant comme entre les parois d'une sombre caverne.

mercredi 25 novembre 2015

A CROQUER

Sans un regard pour le gros oeuf Fabergé que lui présentent deux éphèbes, ce vieil homme, bizarrement attifé, se frotte les mains à la vue de son autre cadeau, qui semble pourtant moins attractif, consistant en une figurine fixée sur deux planchettes, le tout posé sur un gros coussin, rouge, comme sa drôle de capuche. Il couve cet objet d'un oeil chargé d'une telle convoitise que tout laisse penser que d'un instant à l'autre il va, n'y tenant plus, se ruer, comme un enfant sur un bonhomme en pain d'épices, et ouvrant une bouche grande comme un four nous le verrons qui a commencé de croquer la friandise, avec des dents on dirait de loup même s'il n'est pas exclu que soudain, crac, le vieux glouton vient d'un coup de s'en casser quelques unes sur la substance, jusqu'alors friable, de son cadeau, et qui peut-être se régénérait à mesure que ses ratiches y creusaient des trous, mais sans préavis elle s'est durcie, comme du stuc, comme du marbre, inexpugnable à la mâchoire bien entamée du vieux bougre qui grimaçant de douleur, marmonnant des injures ou des imprécations, jette des regards effarés vers la statuette intacte, impavide, dont nous pressentons qu'il n'aura pas fini, dans la clôture de ses appartements, d'interroger la redoutable énigme.


lundi 23 novembre 2015

FLORIDA SAISON 1

Certains de nos lecteurs auront déjà identifié dans ces trois grâces, délocalisées aux États-Unis, années 60, et comme par hasard - la mention sur la portière l'atteste - en ... Floride, les fameuses jeunes filles en fleurs du bien connu Marcel Proust, shootées en plein tournage d'une série télé qui  devrait, vaille que vaille, acclimater chez nos amis américains l'univers de la Recherche du Temps perdu. Gisèle et Andrée posent modestes au second plan quand la brune Albertine, en bikini jaune, a commencé d'approcher un brave flic qui ne saurait être que notre Marcello, projeté par le scénar hollywoodien dans ce rôle dévolu à lui donner un supplément, sinon d'âme, du moins de virilité. Dans un moment nous le verrons emballer sa conquête dans la Coccinelle, vers quelque plage solitaire où, comme un Sean Connery une Ursula Andress, la posséder sur la grève, à moins que soudainement rattrapée par le Temps la jolie fille ne lui fasse le coup, au premier french kiss, à la première caresse profonde, de se résoudre en un milliard d'atomes de poussière déjà emportés par la mer, ne laissant à notre héros, pour tout vestige, que le slip jaune du bikini dont ses collègues, s'étonnant à peine, car l'ayant toujours trouvé un peu piqué, n'ont pas fini de le voir s'éponger le front, en sueur sous le casque, avant de renfourner cet objet qui lentement se déteinte, se décolore, jusqu'à n'être plus qu'un chiffon sale et froissé mais dont jamais, jusqu'au mot FIN, notre héros ne se désolidarisera.

samedi 21 novembre 2015

LA GARDIENNE














Est-il admissible qu'un gardien, que - pire ! - une gardienne en poste au prestigieux Musée du Louvre, prenne ses aises et s'abandonne à l'instar de celle que voici, surprise en cette pose pendant les heures de service? Et que je te fume une clope, entre deux gorgées d'un ballon de blanc, et que je te croise très haut les jambes, avant de cyniquement les ouvrir, comme pour rivaliser avec certain tableau du Musée d'Orsay, de l'autre côté de la Seine, histoire de montrer qu'au Louvre aussi on a les idées larges ?  Pas au point, tout de même, de tolérer pareilles infractions, au vu de notre deuxième document qui nous suggère que la trop désinvolte gardienne vient de perdre son job ... Et naguère lascive et licencieuse, désormais licenciée, elle poireaute esseulée près du Musée qui l'évinça, dans la prosaïque attente du 39 ou du 95, les mains vides, sans même un carton pour ses effets, et sans qu'aucun Parisien compassionnel, aucun touriste empathique lui adresse ne fût-ce qu'un regard, un sourire en réponse à celui, calculé, qui flottait sur ses lèvres, ou plutôt à cet air narquois où elle se complaisait, et qu'elle n'a pu garder.

jeudi 19 novembre 2015

UN ÉTÉ ENFLAMMÉ EN PACA ?

Je remets en ligne ce texte publié en juillet 2012 sur la Revue en ligne 
du Théâtre du Rond-Point, ventscontraires.net . Texte prémonitoire, j'ose le dire, voire, 
n'ayons pas peur des mots, visionnaire en ce qu'il évoquait toute une efflorescence de dérives 
sectaires, d'une dangerosité certaine pour la région PACA ... Affaire à suivre, donc.


Un été enflammé en PACA ?

Roger Talpoin, le nouveau ministre des Cultes, a du souci. Non 
seulement l'hérésie vaudoise a repris du poil de la bête dans plusieurs 
vallées des Alpes, mais on signale, ici ou là, des processions de 
Flagellants qui n'y vont pas de main morte, occasionnant, de plus, 
une rupture de stock dans les divers modèles de martinets.
 Talpoin doit compter aussi avec une éruption de Fraticelles 
militants, géolocalisés dans la Lozère, mais qui pourraient faire 
des émules jusque dans le Bas-Languedoc. Ce qui ne serait rien si la 
Surveillance des Cultes n'avait signalé une épidémie de Galvanistes dans le  Sud du Dauphiné 
et, déjà, en Haute Provence, combattus jusqu'aux abords du massif des Maures - très combustible, 
comme on sait – par des bandes d'Arianistes, de Docétistes, voire de Nestoriens, autant d'excités qui
voient dans le rite, jusqu'ici consensuel, du pastis, l'occasion idéale d'entrechoquer leurs dogmes et 
d'en venir aux mains dans tous les bistros, bientôt, de PACA. Talpoin panique, dit-on, à la 
perspective d'une contamination des plages sur toute la Côte, inclus Saint-Trop', où les arts conjugués 
de la bronzette et du flirt se verraient dangereusement suppléés, chez les Juillettistes et les Aoûtiens, 
par la rage des excommunications. Homme à poigne, il envisagerait, d'après nos sources, 
d'éteindre l'incendie qui menace en envoyant les canadairs, de sorte à noyer en vrac 
Monophysistes et autres Pélagiens sous les eaux attiédies de l'indifférentisme postmoderne 
néorépublicain.

mardi 17 novembre 2015

"FRANCE MÈRE DES ARTS"

Vu par le quotidien Le Progrès à la Biennale 2015 de Lyon 
Contre la barbarie de Daech, contre son obscurantisme inégalé, la France doit faire appel à toutes les forces de l'esprit, à toutes les ressources de la culture et de l'Art, y compris celui contemporain, trop décrié par les esprits forts qui ne s'épanouissent que dans l'ironie. Nous ne savons pas si ce jeune homme en pantalon révolutionnaire rouge fait partie ou non de l'oeuvre qu'il contemple, mais l'oeuvre est là, devant nous, dans sa force et sa radicalité, dérangeante, perturbante, exigeante, aussi, et nous espérons qu'elle sera suffisamment protégée pour qu'une femme de ménage ne se croie pas tenue, avisant ce que son ignorance crasse lui aura fait prendre pour un foutoir, de le jeter à la poubelle, drame déjà maintes fois vécu par les produits les plus âpres de l'Art Contemporain.

dimanche 15 novembre 2015

OIES BLANCHES


Soigneusement décervelées et dûment reformatées par des experts sur un site ad hoc, cette cargaison d'oies blanches est  en partance pour le Daechland, où elle devrait arriver sous peu si Dieu le Miséricordieux le veut.

vendredi 13 novembre 2015

WAITING FOR

                                                             
Ces voyageurs attendaient leur train, normalement prévu pour 9h11, ou 11h18, ou 18h10, ou 10h32, et ils en sont encore à l'attendre, depuis un laps de temps d'autant plus  indéterminé que le Temps, la notion du temps, il se peut qu'ils l'aient perdue, à supposer qu'ils ne soient pas allés jusqu'à perdre la conscience même qu'ils attendent, ou du moins qu'ils attendent leur train : ils ont beau se tenir en arc de cercle au plus près de la voie, à force de n'avoir aucun signe, sonore ou visuel, de son approche, si lente soit-elle, pire que le plus paresseux des tortillards, l'idée de train en est venue à s'estomper en eux, et a fini par s'abolir, emportant avec elle l'idée de voie ferrée, alors même qu'ils la jouxtent, mais dépourvus désormais du bagage lexical qui leur permettrait de nommer le ballast, les traverses, les rails : ils ne savent plus ce que c'est, sans pour autant être en mesure de s'éloigner de ces deux poutrelles métallique ancrées à même le sol, dont le parallélisme s'étire à perte de vue ... : et peut-être même finiront-ils par s'y engager, par marcher à la queue le leu sur ce support, et si d'aventure, un jour, alors qu'ils marchent depuis, depuis ils ne savent plus quand sur ce chemin de fer (car ainsi l'auront-ils nommé, sans y trouver malice, puisque c'est leur chemin, et qu'il est de fer), si d'aventure ils entendent, au loin, le hululement typique, et s'ils voient s'élever le panache typique, et si le typique grondement leur devient audible, et grandit, grossit, et s'ils voient enfin apparaître, émergeant d'une longue courbe, le Train, tracté par sa locomotive, les voici qui se rangent  au bord de leur chemin de fer, pour laisser passer ce monstre bruyant et fumant qui leur en dispute l'usage, et ils reprennent leur route rectiligne, de leur pas égal, sans se presser, sans traîner, sur leur chemin de fer qui luit à l'infini sous le ciel bas.



... PS qui n'a rien à voir : en cette nuit de terrorisme islamiste à Paris, me revient en mémoire l'une des phrases les plus stupides, les plus irresponsables, que nous devons à la plume pontificale d'André Breton : "L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings,à descendre dans la rue et à tirer au hasard tout ce qu'on peut dans la foule". De même le "surréaliste" et futur stalinien Aragon voulait-il ... gifler le cadavre d'Anatole France - lequel a tout de même écrit "Les dieux ont soif ", roman qui décortique la conversion d'un artiste peintre au fanatisme sanguinaire de la Terreur robespierriste.










mercredi 11 novembre 2015

PETIT POILU

                                                                                                                                                                     




Petit Poilu deviendra grand
Si boucherie lui prête vie
S'il échappe aux gaz asphyxiants
S'il s'abstient de mutinerie.

lundi 9 novembre 2015

LA BLESSURE


Sur Facebook Frédéric Atlan


Inscrite à même le tronc d'un arbre,  au plus touffu d'une forêt profonde, cette ligneuse blessure aurait le don, nous dit-on, d'attirer des légions de messieurs, jeunes ou vénérables, qui galopant comme des cabris à travers la sylve, ou s'étayant difficultueusement sur une canne, ou  pendulant sur des béquilles, font route vers le site, aidés d'aucun panneau indicateur mais convaincus que s'il y en avait ils ne feraient que les éloigner de ce but idéal, devenu l'unique objet de leur quête. Il semble, du reste, que la plupart de ces obstinés chercheurs finissent par se perdre en chemin, et ce ne sont pas les quelques uns qui s'en retournent, ou s'y essaient, après avoir réellement approché,  et religieusement touché, palpé, caressé la sinueuse entaille, délicatement ourlée, qui pourraient, le voudraient-ils, guider les égarés tant le souvenir fût-il déjà flou de leur récente expérience, ou déjà ancienne, a tracé dans leur esprit une autre encoche, immatérielle, par où s'est dissipé tout sens de ce que d'ordinaire nous appelons réalité.

samedi 7 novembre 2015

LIBERTÉ

Journal Facebook d'Alice Inthelight
Ce pauvre bougre avait au programme, ce vendredi-là, de se grimper en plein cagnart la pente d'une colline, avec, sans doute pour l'amour du sport, un grand et lourd machin en bois sur le dos ! D'un naturel assez arrogant pour se voir déjà, par la grâce de son exploit, tel un Mohammed Ali le roi du monde, il était allé jusqu'à, semble-t-il, se couronner lui-même, comme Napoléon le jour de son sacre, quand voyez-le traîné par deux agents du parc vers le poste de secours où l'on tentera de le réanimer, sans beaucoup d'espoir à en juger par son visage sans expression, son corps inerte, et cette teinte verdâtre, pour ne pas dire cadavérique, qui se retrouve sur les plis épais de ces voiles dont il avait cru bon de s'envelopper, pour un supplément de sudation ... Mais n'y aurait-il pas là, désormais, une manière de suaire, comme s'il était question, moins de le ramener à la vie que de le conduire au tombeau? Et si d'aventure, plus bravache que jamais, histoire de nous bluffer pour de bon notre homme tentait en sa funèbre clôture de se réanimer tout seul, avec les douteux moyens du bord, ce sera son affaire, et un acte de sa liberté.




jeudi 5 novembre 2015

FATALE

                                       
Ces deux messieurs sont en compétition pour le coeur et le corps de cette blonde, qui semble avoir jeté son dévolu sur le plus BCBG des deux, mais rien ne nous  dit qu'elle ne va pas, se ravisant, élire le bad boy en parka grisâtre, à moins que se refusant à choisir elle ne prenne la paire ? Et nous les verrons s'emmêler tous les trois sur les marches de l'escalier - leur domicile fixe, ou plutôt mobile - et bientôt, en proie à leur fureur érotique, le dégringoler, et peut-être même les malheureux viennent-ils d'amorcer leur descente vers Dieu sait quels souterrains Enfers où en ces lieux sulfureux nous pourrions voir la tignasse de la blondasse s'embraser et brûler, non pas en un moment, mais sans fin, sans que ses deux amants se découragent qui voudraient, non pas éteindre, mais étreindre cette torche qui se tord dans les profondeurs et lentement les calcine, les carbonise, jusqu'à ne laisser de leurs tristes personnes que deux blocs noirâtres piétinés et concassés sous les bottes de la blondasse qui, lascive, ondule dans l'ombre traversée par le feu éternel de ses longs cheveux.



















mardi 3 novembre 2015

GONCOURT

      Homard en mousse
       Foie gras d'oie
Dos de bar cuit à la vapeur
Soufflé glacé au Grand Marnier
… de quoi être soufflé, ou pas, par le menu servi dans le cadre obligé du Drouant au lauréat et au jury de ce déjà lointain Goncourt-là (2011). L'art français de la table vaut sans doute L'Art français de la guerre, mais que les médias ne manquent jamais de nous divulguer le menu Goncourt du Drouant, suggère que ce prix serait, pour un Roland Barthes, une mythologie française, quand avec Mircea Eliade on y lira une hiérophanie, une manifestation du sacré. Grands, petits, moyens, minis, tous nos autres prix littéraires n'ont d'essence que profane, on ne va pas en faire un plat de ce qu’auront mangé et bu jurés et lauréats, quand le Drouant, à l'inverse, est la sainte chapelle où s'autorise et s'opère la manducation du repas eucharistique par les dix apôtres du jury, dommage qu'ils ne soient pas douze, entourant le Messie de l'année. Pour preuve, cette image pieuse où l'impétrant, ravi, les mains largement ouvertes - quoique non stigmatisées -, arbore une longue écharpe qui est une étole liturgique ; et, tel, voyez-le qui sous les spots et les flashs, garants techniques de la transfiguration, sanctifie la nappe blanche de la Cène. Ecce homo.






dimanche 1 novembre 2015

SEPTUPLE SAUT


 

Vos chroniques

Jacques Géraud
Septuple Saut
J'ai très envie que les prochains JO, ou les suivants, en 2024 ou 2048 ou 2096, je m'emmêle un peu les pinceaux dans les dates, se tiennent chez nous, en France, à Paris ! M'est avis que mes chances en seraient plus fortes d'être sélectionné dans l'équipe nationale. Quant à la spécialité, moins polyvalent qu'un Jesse Owens, je crois que je choisirai le ... voyons, le, voilà, le, c'est ça, le, mais oui, le, très bien, le, parfaitement, le, c'est dit : septuple saut !!!!!!! Le septuple saut en longueur, et si je suis le tout premier à m'illustrer dans cet art, je n'irai pas m'en plaindre, ravi et plus que ravi d'avoir établi ce record olympique-là, qu'il appartiendra aux générations futures, s'il y en a, d'améliorer, voire de pulvériser. Je promets à mes challengers que je suivrai leurs tentatives devant mon poste de télé, les applaudissant s'ils le méritent, nullement jaloux des compétiteurs qui m'auront dépossédé de mon titre olympique de Septuple Sauteur, pourvu que tout en les regardant, les admirant et les ovationnant, je puisse machinalement tripoter, comme un dévot son chapelet, ma médaille d'or accrochée à mon cou ou discrètement rangée dans ma poche où je m'imagine qu'avec mes doigts qui passent, qui repassent, astiquée de la sorte, pas que durant les JO, mais tous les jours, tous les jours, elle va continuer de luire, dans l'ombre de la poche de mon pantalon, quitte à lentement s'user, comme moi, et nous vieillirons ensemble, ma médaille d'or et moi.