Géronimots XXI

mercredi 29 avril 2015

SOFITEL DE NEW-YORK : UNE NOUVELLE AFFAIRE DE MOEURS ?

Philippe Mouchès 27 juin 2014 sur ventscontraires.net
Un nouveau scandale au Sofitel de New-York, quatre ans après l'affaire où fut mis en cause le directeur du FMI ? Toujours est-il qu'une femme de chambre, Mary-Madeleine X, soutient mordicus avoir été sexuellement agressée par un client, qu'elle a réussi à photographier sur son portable, dans l'attitude très détendue, semble-t-il, d'un heureux post-coïtum ... Malheureusement, l'identification de l'agresseur présumé risque d'être  épineuse, car il n'est pas un membre du personnel, pas un client de l'hôtel, qui aux questions de la police n'ait répondu par ces simples mots : "Je ne connais pas cet homme". Le suspect, doté d'un grand sens de l'humour, ou d'un effarant cynisme, ou d'une totale inconscience, ou d'une amnésie absolue, sommé de décliner son identité, aurait laconiquement répondu : " Et vous, qui dîtes-vous que je suis?". Inculpé de plusieurs chefs d'accusation (agression, tentative de viol, viol, viol aggravé, etc.), il a été écroué à Rickers Island. Quant à Mary-Madeleine, elle assure avoir crié : "Ne me touche pas!" à son agresseur, sans du tout le dissuader. Depuis ses déclarations, elle s'est  murée dans le silence.

lundi 27 avril 2015

CSSL



Le CSSL (Comité Supérieur de Surveillance du Langage, Ministère du Culturel) se félicite de l'effort de convivialité et d'unanimisme qui aura permis à la quasi-totalité de nos concitoyens d'énoncer au minimum trois fois par jour, de préférence avec enthousiasme, la merveilleuse expression : "Pas de souci!". "Celles et ceux, précise la Ministre du Culturel, qui croient pouvoir s'affranchir de cette ardente obligation lexicale, auront, à terme, du souci à se faire.
De même, le CSSL est heureux de pouvoir mettre à l'actif du lissage de la langue la généralisation enfin acquise de la locution "tout à fait", en remplacement avantageux de ces formes fossiles que sont : "oui", "absolument", "exactement".

Le CSSL rappelle à tous les citoyens que l’emploi de l’adjectif « compliqué » devra dans tous les cas de figure être préféré à celui de l’adjectif « difficile ». Les rapports des Surveillants généraux, régionaux, départementaux, municipaux, confirment que l’extinction totale de cet adjectif « difficile » semble envisageable à l’horizon 2017. « C’était compliqué, nous confie le Sous-Secrétaire d’État au Langage, mais grâce à l’effort de tous la victoire nous est quasiment acquise. » Et d’ajouter que le CSSL planche déjà sur le choix du prochain mot voué à substitution.

dimanche 26 avril 2015

CATA CATHO

(AFP2) Suite à un avis urgent venu d'en haut, le pape François s'apprêterait à déclarer l'état de catastrophe surnaturelle pour le Paradis, : la surpopulation terrestre, effet du boom démographique mondial, ne pouvant qu'aboutir à des résurrections extrêmement massives lorsque les temps seront venus du Jugement Dernier, la jauge dudit Paradis en serait d'ores et déjà insuffisante à contenir tous les Élus putatifs. Tout permet de penser, par contre, qu'il y aura largement de la place en Enfer.

samedi 25 avril 2015

OUVERTURE AU PUBLIC & ANNIVERSAIRE

CHAUVET ! ô toi le grand artiste ardéchois, si longtemps méconnu,  immortel auteur et créateur des fresques de la grotte qui porte ton nom, et dont aujourd'hui même, 25 avril 2015, la réplique s'ouvre au public. Et non seulement, quelque 30.000 ans avant Michel-Ange ou Tiepolo, tu auras été le valeureux pionnier de l'art pariétal, mais ton nom est français ! Un nom, pourtant, dont par l'effet d'une rare modestie tu te refusas à signer ton oeuvre, épris que tu étais d'anonymat.


Rouget de l'Isle, jeune officier du génie, présentait le 25 avril 1792, à Strasbourg, son martial et patriotique Chant de guerre pour l'armée du Rhin, bientôt nationalisé sous l'appellation de Marseillaise. Avouons pourtant que nous en avons jusque là de certaines paroles de cet hymne, à commencer par le trop fameux   : "Qu'un sang impur abreuve nos oisillons !".

vendredi 24 avril 2015

VA TE FAIRE ...

"Va te faire outre!", lançait quelquefois une Juliette Récamier hors de ses gonds, suite à quelque avanie, à son cher Chateaubriand, et l'arrogant vicomte de se retirer, penaud. Mais la leçon fut appliquée à la lettre, puisqu'il y trouva de quoi forger le titre de ses (pesants) Mémoires posthumes.

POSTHUMÉ : Bal posthumé, où ne paraissent que des revenants.

"Va te faire scolopendre ailleurs!", hurlait M. Samsa, cognant de ses gros poings contre la porte de la chambre de Gregor qui ne pouvait s'empêcher de former, péniblement, en remuant ses mandibules, une sorte de sourire.

jeudi 23 avril 2015

PALACE

























Point n'est besoin d'être un obsédé de Marcel Proust pour l'identifier dans ce monsieur coiffé d'un canotier, venant de boire un bon coup dans l'estaminet qui fait l'angle, et se dirigeant, d'un pas moins affermi que la jeune femme qu'il va croiser, vers cette carriole chargée par ses soins de quelques meubles de famille, pour s'atteler en personne, tel un bourricot, entre les brancards, et suant et soufflant s'acheminer, non vers l'échoppe de quelque brocanteur, mais plutôt, s'il réussit à tenir la distance - celle temporelle, surtout  -, vers le Pimm's Bar, ou le Sept ou, à peine un peu plus loin dans le Temps, vers le fameux Palace, 8 rue du Faubourg-Montmartre, où s'adressant tout de go au patron, un sieur Fabrice Emaer, lui proposer gratis cette première livraison, car d'autres vont suivre qui incluront le fauteuil de sa grand-mère, la coiffeuse de sa mère, le grand lit de ses chers parents ... : et déjà copain comme cochon avec le sémillant Fabrice, nous retrouverons notre Marcel en grande conversation, follement enjoué, une coupe à la main, avec Grace Jones, Diane de Beauvau-Craon, Paloma Picasso, posant pour la galerie entre un Karl Lagerfeld et un Yves Saint-Laurent avant de s'absorber dans les coulisses avec ce dernier, long jeune homme pâle, au regard inquiet sous les carreaux surdimensionnés de ses lunettes, un moment soustrait à la sourcilleuse vigilance de Pierre Bergé, son chaperon.


mercredi 22 avril 2015

SOIRÉE TUPPERWARE

Ces dames croyaient se rendre à l'une de ces sex-toys parties qui font florès des deux côtés de l'Atlantique, quand elles eurent la surprise de se retrouver dans une soirée Tupperware, comme à la grande époque de ces célèbres récipients qui pour la plus grande joie des ménagères de moins et plus de 50 ans, ont renouvelé de fond en comble l'art de la conservation, et boosté celui de la conversation entre femmes. Loin d'avoir à s'initier à la vibrante mais, peut-être, stressante prise en main des Ducks, Rabbits et autres bestioles high tech, nous les découvrons tout aussi heureuses, sinon davantage, de pouvoir se pencher sur le riche assortiment des bols, boîtes et bocaux de toute forme, tout format, toute contenance, composant la galaxie Tupperware. Nous voudrions seulement être assurés que, de retour au bercail, le cabas plein à ras bord de leurs achats plastifiés, elles ne vont pas, ne fût-ce que quelques unes d'entre elles, désespérément chercher dans le fatras ménager de ces articles lequel pourrait s'avérer assez allongé, ovoïde, oblong, ou pourvu d'un prolongement ou d'un bec pour, le soustrayant à la trivialité de sa fonction utilitaire, vaillamment tenter de l'engager dans une mission à certains égards plus haute, plus noble, plus spirituelle, comme on dit que font quelquefois les nonnes, au secret de leur cellule, avec les cierges.

mardi 21 avril 2015

HAÏKULTURE (2)

                                   
                                                         Deuxième mi-temps
                                     Pierreux le Fou remplace
                                                Sisyphe

                                       Le pâtre mélancolique
                                        Jette au feu un feuillet
                                          De Chateaubriand

                                             Les tournesols
                                               Ont attrapé
                                               Le torticolis
                                                  

                                            

                                               

lundi 20 avril 2015

E PUR SI MUOVE!

Ce monsieur, d'âge fort vénérable, et de barbe aussi blanche que sa casquette ou sa blouse, vient de se décider à prendre le départ d'une course à laquelle il  songeait depuis quelque cinquante ans, astiquant jour après jour sa bicyclette pour la garder en bon état de conservation. Espérons avec sa bonne épouse que pour avoir été si longtemps différé, son passage à l'acte vélocipédique n'en sera pas moins couronné de succès, et qu'en tout cas notre vieux coureur ne va pas, dès sa première descente et son premier virage, basculer dans la pente et commencer d'y rouler ou plutôt d'y cascader, sans même réussir à se casser la figure une bonne fois pour toutes, ne faisant plus que dévaler un flanc herbu et raboteux, ponctué de rochers qu'il esquive un peu par miracle, sautant et retombant sur la selle de son périlleux engin, qui gémit dans toutes ses membrures, et n'étant pas près d'en finir, sans doute, d'offrir aux spectateurs disséminés le singulier spectacle de cette course erratique sur cette improbable piste dont le ruban ou le tapis toujours se déroule devant la roue voilée ou faussée, et pourtant elle tourne, de sa vieille machine increvable.




dimanche 19 avril 2015

LUNE DE MIEL

Philippe Mouchès
A peine passées devant M. le Maire ou Mme la Mairesse, ces deux bénéficiaires du mariage pour tous sont parties en lune de miel, justement confiantes dans la robustesse de leur VW, mais oublieuses de son poids respectable, et voici le véhicule ensablé à l'orée de la plage où elles aspiraient à s'alanguir, toutes nues au soleil comme BB. Espérons du moins que leurs efforts conjugués, celle-ci au volant, celle-là poussant ferme à l'arrière, ne seront pas contre-productifs au point de menacer, surtout si ces sables étaient mouvants, d'enterrer graduellement le véhicule sans que l'obstinée conductrice ait consenti ou réussi à s'éjecter à temps ... : et ne restera à la pauvre veuve qu'à verser toutes les larmes de son corps qui, par un effet curieux, pourraient s'avérer d'une si laiteuse blancheur, et si profuses, que le sable ocre peu à peu blanchira, dessinant un rectangle immaculé et comme tombal à cinq pieds au-dessous duquel, peut-être, le funéraire véhicule lui aussi sera blanc, et blanche la jeune mariée telle une statue d'albâtre et toujours penchée sur son volant comme au-dessus d'un ouvrage  dont elle-même serait le produit, suave et délicat.



lundi 13 avril 2015

RELÂCHE, QUELQUES JOURS


                        QUELQUES JOURS DE RELÂCHE,
                              sauf retours inopinés si réseau 

samedi 11 avril 2015

*** FECIT

Ce monsieur escompte qu'au fur et à mesure de son approche, vélocipédique et démiurgique, de ces bâtiments bordant la rade, leur prosaïque architecture va pouvoir remonter le temps, et lorsqu'il mettra pied à terre devant les façades elles seront, pourquoi pas, contemporaines de son habit ! Il ne lui restera, pour immortaliser la scène, qu'à ôter son chapeau d'un geste magistral (espérons qu'il aura été assez prompt pour le suppléer par une perruque), désignant derrière lui, de cette coiffe théâtralement brandie, ce qu'il faut bien appeler son oeuvre, comparable peut-être à une ligne de palazzi de la Sérénissime, quitte à  se retrouver soudain ... statufié devant leurs fronts majestueux, et sur le socle, contre lequel le vélo va commencer de rouiller, on lira son nom en lettres d'or, dûment latinisé : Dupons ou Durandus ou Martinus, simplement suivi de la mention :  fecit.



vendredi 10 avril 2015

HAÏKULTURE


                                                                 

                                              
                                              En cadence
                                      Les glands de ce monde
                                          Opinent du bonnet



                                                          Le comte Tolstoï
                                        Vend des tupperwares
                                              Et des sex-toys

                                         
                                             La jolie fille 
                                           Soulève sa jupe
                                           Soudaine cécité

                                             







jeudi 9 avril 2015

ZAVATTA

Experts et amateurs auront glosé  à gogo sur cette bonne vieille photo sépia, bientôt convaincus que le jeune homme glabre, ou faiblement moustachu, assis à côté de la dame mature, ne pouvait être qu'un certain poète natif de Charleville,  reconverti dans le commerce du côté des pays chauds. Admettons, non sans nous étonner que nos docteurs subtils aient fait si peu de cas, sur cette photo de groupe, du monsieur du milieu, relevant à peine l'extravagance de son costume, baptisé par eux "pyjama", quand il était si simple de voir dans cette tenue si ostensiblement clownesque celle d'un ... clown, justement,  lequel pourrait bien être en personne le fameux clown Achille Zavatta, posant fièrement, entouré de  ses quatre grands fils barbus ou moustachus : la dream-team du cirque Zavatta, qu'il fonda, qu'il dirige, avec sa bonne épouse, sagement vêtue de blanc. Et pour sa première tournée extra-métropolitaine, le Zavatta Circus aura fort bien pu engager le petit jeune homme, à l'air effacé, presque apeuré, a priori bon à pas grand chose, bien incapable de se colleter avec les fauves ou de monter sur le trapèze, mais pourquoi ne pas le commettre aux prospectus, s'il a une belle écriture, et lui faire parcourir les rues et ruelles de la cité en gueulant dans un porte-voix ce soir à 21 heures, suivi de quelques phrases bien tournées, et à 21 h ce soir il vendra les billets dans la guitoune, puis, tandis que sous la tente à rayures les Zavatta font le show, il ira donner le picotin à l'âne, qu'il montait tout à l'heure pour faire l'annonce, en espérant que ses semelles de vent, un soir, ne le pousseront pas à prendre le large, à partir dans le désert, monté sur l'âne, comme Jésus, mais sans avoir rien à dire à personne.





mercredi 8 avril 2015

LE JOURNAL

Telle est la dureté de la crise que l'on peut voir des seniors désormais contraints, pour  survivre, de se faire vendeurs de journaux dans les rues de nos villes : ainsi ce pauvre vieux qui cherche désespérément à fourguer sa feuille de chou à des passants ... passant leur chemin sans faire mine de le voir. Encore aura-t-il apparemment réussi, par quel miracle, à vendre l'un de ses exemplaires à cette dame bien mise, genre bourgeoise des beaux quartiers (sac en croco, imper Burberry, bandeau dans les cheveux), qui n'aura consenti à le lui prendre que pour se donner bonne conscience, foncièrement indifférente aux misères du "peuple", puisque c'est le mot que nous lisons à la une de la gazette, qu'elle tient avec ostentation, tout en regardant ailleurs. Mais, pathétique, le pauvre diable persiste qui, à défaut de son petit journal à peu près invendable, voudrait du moins que l'on accepte ce feuillet, qu'il propose à titre gracieux, évoquant probablement la série de ses malheurs, comme fit un jour, sur les quais de la Seine, Jean-Jacques Rousseau, avec le même insuccès puisque, à l'en croire, pas un passant ne voulut s'en saisir.

mardi 7 avril 2015

LES NUAGES

Caspar David Friedrich x par Philippe Mouchès 
Peut-être aura-t-on déjà reconnu, quoique vu de dos, soi-même Lev Davidovitch Bronstein, plus fameux sous le nom de Léon Trotski, qui déporté puis expulsé d'URSS sur ordre de Joseph Djougachvili, alias Staline, pour mourir onze ans plus tard sous un coup de piolet de l'agent du NKVD Ramon Mercader, vient à l'instant de découvrir qu'il ne figure plus sur cet escarpement du haut duquel, encore membre du Politburo du PCUS, il avait harangué trois heures durant en plein soleil une immense foule de travailleurs, électrisés par sa légendaire éloquence et qui, par les soins zélés des artistes du Guépéou, ont eux aussi disparu, sous la chape d'une opportune mer de nuages ... : même, notre homme s'étant rassis dans son fauteuil dont tout à l'heure, l'image apparaissant, il se leva en sursaut, nous ne saurions exclure que la surabondante nuée, diffusant depuis l'écran fatal, envahisse peu à peu tout le volume du bureau, jusqu'à finir par si bien l'absorber dans les plis de ce suaire grisâtre que le pic de l'assassin, même abattu cent fois, ne rencontrerait, en lieu et place de son corps, que le vide.





lundi 6 avril 2015

LONGTEMPS JE ME SUIS

Tullio Pericoli
Ce monsieur, au vu du proliférant fatras des feuillets jetés sous son lit, n'en finit pas de recommencer sa page 1 : Longtemps je me suis couché de bonne heure, lisons-nous sur ce énième brouillon, ce énième incipit dont sans doute espère-t-il, tournant vers nous ses yeux de biche, qu'il aura notre aval? Tu ferais mieux, lui dirions-nous, si nous étions son coach, d'essayer quelque chose de moins plat, de plus, comment dire, commercial, rien qu'en changeant une lettre, tiens : Longtemps je me suis touché de bonne heure, ça pourrait plaire, surtout si au lieu de rester sec, comme à ton habitude, tu évoquais en un style inimitable tous ces papiers planqués sous ton lit, nous confessant en rougissant  sur cinq pages d'affilée qu'ils sont comme autant de ... kleenex, ceci assorti de force métaphores, enveloppé dans les bandelettes de maintes comparaisons, dix pages au moins pour célébrer ton acte, en exalter la réitération, et puis usant, non pas de nouveaux mouchoirs, mais de quelque biais, issu de ta rouerie littéraire, tu glisseras vers la description d'une cathédrale, du bon sourire de ta mère-grand, de la mantille d'une duchesse : tu vois, ce n'était pas si difficile, il  suffisait de trouver le mot juste, tu étais à deux doigts.

dimanche 5 avril 2015

LE JUDAS

Philippe Mouchès  Crochéfixion
La réitération du fameux exploit de la Résurrection  semble fort compromise, au vu de l'ingénieuse parade enfin révélée par ce document crucial. Car, serait-il un autre Houdini, comment l'intéressé, presque entièrement occulté sous cette énorme carapace de métal, pourrait-il s'extraire d'un support où il fut si magistralement fixé ? D'où la détresse de l'élément féminin, à quoi voudrait remédier ce personnage, à droite, convaincu des vertus de son livre, genre L'évasion pour les nuls, avec tous les trucs, astuces et autres recettes miracle ... A défaut, nous pourrions voir les deux désespérées se jeter sur la cuirasse qui leur dérobe la vue du bien-aimé - époux, amant, ami, fils? -, s'élevant tour à tour sur cette sorte de marchepied pour jeter un oeil au judas triangulaire, ou plutôt y coller l'oreille comme pour capter quelque lointain battement de son coeur, pionnières bientôt rejointes par une légion de femmes, toujours plus nombreuses, innombrables, qui peut-être sans fin se relaieront à ce poste comme si cette écoute, cette auscultation passionnée pouvait faire, du support où fut appliqué cet homme, la planche du salut?





samedi 4 avril 2015

EN CAMPAGNE

Déniché par nos soins dans les tiroirs  de la mairie de Bordeaux, ce projet d'affiche électorale nous montre un Alain Juppé en campagne, à tous les sens du terme, avec en point de mire l'Élysée, qu'il vise et fixe avec une froide détermination. La fourche, tenue d'une main ferme, pointes vers le haut, n'est pas sans  faire écho à certain croc de boucher dont son rival actuel, ancien Président et teigneux patron de l'UMP, menaçait naguère, on s'en souvient, un autre ex-Premier ministre de même obédience. Le look paysan souligne les origines familiales du candidat, issu d'une France rurale et profonde. D'autres affiches suivront, où le maire de Bordeaux devrait poser : en ouvrier devant la cheminée d'une usine, au volant d'un poids-lourd sur l'autoroute, en blouse grise d'instituteur dans une classe de CM1, en blouse blanche de chercheur penché sur une paillasse, etc. Le sujet de sexe féminin jouxtant le candidat est censé représenter l'adhérente UMP standard, promise elle aussi à des avatars reflétant les facettes du corps social. La mine sévère du candidat et de sa compagne d'affiche pourrait, si le staff le juge bon, s'adoucir ou s'éclairer selon l'évolution d'une campagne, et d'abord celle des fameuses "primaires", dont nous aurons à coeur de décrypter la dramaturgie.


vendredi 3 avril 2015

HOM

Ces deux femmes ont largement ouvert leur porte à ce monsieur, qui en a profité pour se faire servir une collation (déjà la miche est sur la table, le verre de vin va arriver), et maintenant ce joyeux drille, ou pas tant que ça, leur raconte une histoire drôle, ou une drôle d'histoire : c'est un fils de famille qui en a jusque là de son cadre de vie, alors il décide de faire un tour quelque part, un petit voyage, et Dieu sait pourquoi il se retrouve à grimper en plein soleil une sacrément caillouteuse colline, avec un affreusement lourd machin en bois sur le dos, et forcément il se casse la figure, il se relève, il sue, il est en eau, dans un virage une femme s'élance pour lui plaquer son mouchoir  sur la face, et elle se dit zut mon mouchoir est fichu, car les traits du visage de l'homme s'y sont imprimés! Et puis, se frappant le front, elle pressent le parti qu'elle pourra tirer de cette affaire, et qu'elle sera juteuse, certainement, pourvu que par quelque artefact elle réussisse à reproduire à x exemplaires l'image de cet homme, qui se retrouvera punaisée dans les salons, pour la déco, et imprimée sur les maillots de corps, et on pourra même créer une marque : Hom, et même un slogan : voilà le Hom!



jeudi 2 avril 2015

LE VOYÂGE

De ceci au moins nous ne saurions douter : s'installant au volant de son automobile, le conducteur que voici, largement sexagénaire à ce moment-là, allait partir en voyage, et voyage il y eut en effet, non pas dans l'espace, comme prévu, car le véhicule ne se déplaça pas d'un pouce, mais à peine le moteur eut-il commencé de hoqueter puis de tourner, dans le temps : dans le temps qui se mit à reculer, reculer sans que, bercé par le ronron du moteur monotone, l'intéressé s'en avisât qui, venant tout juste de rouvrir les yeux, ne semble guère informé de sa cure de jouvence, ni de son auto rapetissée ... Encore n'est-ce  peut-être pas fini,  car le moteur tournant toujours, parions que sous peu le pauvret se sera, tout bonnement, aboli dans l'habitacle, ne laissant de sa personne, qui toujours s'amenuisa, que son beau béret blanc qui pour son chien fidèle - et plus stable, lui, dans le temps - sera le doudou que jamais il ne lâchera.


mercredi 1 avril 2015

LA TENTATIVE

Ce jeune homme venait de faire rencontre d'une fille, et la voyant déjà comme sa petite amie il n'aura pas hésité à tenter, en pleine rue, des attouchements d'une grande impudicité, à quoi la pauvre fille répondit en se cabrant, en se figeant, ce qui n'empêcha pas le vilain de persévérer dans son assaut, quitte à lui arracher tous ses habits, à dessein de la prendre sous un porche : hélas pour lui, la malheureuse lui opposa une si efficace résistance passive, par la rigidification instantanée de tous ses membres, que le vilain en fut pour ses frais, et nous le voyons qui  s'est résolu à transporter en l'état sa prise inutilisable, soit pour tenter malgré tout de la posséder chez lui, ou pour s'en défaire dès qu'il aura trouvé une poubelle assez grande.